L'auteur est président du conseil de direction, leader national du groupe-conseil de finance des infrastructures publiques et associé responsable du groupe-conseil financiers chez Raymond Chabot Grant Thornton.  

L'essor économique de notre métropole, voire du Québec, dépend notamment du pont Champlain qui fait partie du corridor de commerce que nous entretenons avec l'État de New York.

Ce lien entre la Rive-Sud et l'île de Montréal est aussi celui qui permet à de nombreux travailleurs de se rendre chaque matin au bureau. Si tous s'entendent aujourd'hui, à juste titre, pour applaudir l'annonce d'un nouveau pont, il ne semble pas y avoir de consensus quant au financement du projet.

La formule partenariat public-privé (PPP) est intéressante dans une logique où on veut éviter les dépassements de coûts, en transférant les risques dans les mains d'experts en construction et en financement aptes à les contrôler.

Il n'y a qu'à recenser les projets d'infrastructure de pareil ordre en Amérique du Nord pour comprendre que c'est une formule qui mérite d'être considérée.

À l'heure où l'assainissement des finances publiques est essentiel, nous ne pouvons ignorer le principe de l'utilisateur-payeur. Un montage financier incluant une prise en charge financière du fédéral envers cette importante structure existante réduirait la facture à l'utilisateur-payeur. Il y a fort à parier que le coût de 5 milliards de dollars avancé par le ministre Denis Lebel représente une valeur actualisée qui, en plus du coût de construction, inclut les frais d'entretien, de maintien et de financement, tout au long de la durée de vie de l'entente. Si c'est le cas, nous avons devant nous un exemple rafraîchissant de grande honnêteté. Le cas probant de l'état actuel du pont Champlain doit servir de leçon et nous inciter à prévoir les sommes pour assurer la pérennité du nouvel ouvrage.

L'enjeu du pont Champlain ne peut se comparer à la situation du péage instauré sur le pont de l'autoroute 25. La nouveauté de cette construction permettait plus aisément aux citoyens d'accepter le péage. Le pont Champlain, lui, est déjà une artère essentielle disponible gratuitement à ses usagers.

Il n'y a presque plus de ponts, construits à l'heure actuelle, qui ne soient financés par péage, car le modèle économique n'est pas viable autrement. Les bénéfices économiques et sociaux du nouveau pont Champlain seront, bien sûr, accompagnés d'un coût. Ce dernier devra être proportionnel aux bénéfices que l'utilisateur en retira pour favoriser les types d'utilisations qui rendront le projet viable. Il faut se réjouir de la volonté civique et politique de bâtir cette infrastructure.

L'inauguration d'un nouveau pont Champlain nous transporte dans un horizon de 10 ans. D'ici là, ce sont les habitudes des usagers qui devront changer, grâce à la mise en place de réseaux de transports en commun novateurs, économiques et adaptés. Imaginons Montréal avec son périphérique finalement complété et sa circulation fluide, grâce à l'autoroute 30 et au pont de l'autoroute 25, ainsi qu'un pont Champlain moderne, muni d'un système efficace de transport commun et facilitant le transport des marchandises; l'impact économique et social sera extraordinaire.

J'insiste sur le fait que les choix de conception, de financement et d'entretien, tout au long de la durée de vie du nouveau pont, doivent êtres dûment considérés avant sa mise en oeuvre, afin d'assurer que les générations futures héritent d'un ouvrage digne des coûts y afférents, jusqu'à la fin des ententes et au moment de sa rétrocession au public. Chaque ordre gouvernemental ainsi que les utilisateurs accepteront sans doute leur part de responsabilités, afin d'assurer que le projet passe les tests de viabilité économique. Sinon, il n'y aura pas d'intérêt ni des créanciers ni des consortiums.

Le plus tôt les scénarios et les hypothèses éliminés, le plus vite le pont deviendra une réalité. Un modèle financièrement viable doit être au coeur des décisions.