Porte-voix du gouvernement fédéral, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu annonçait cette semaine «une réforme du Code criminel». Dissipons un malentendu. Intitulé «Loi sur la sécurité des rues et des communautés», le projet de loi n'a rien d'une authentique réforme, c'est-à-dire une révision en profondeur des règles du jeu. Il s'agit plutôt d'un bricolage hétéroclite de mesures répressives.

Certes, certains objectifs sont louables. Exemples: la protection des enfants contre les agresseurs sexuels; la répression du crime organisé; la neutralisation de la violence criminelle. Par contre, certains moyens utilisés pour maximiser la sécurité publique sont soit utopiques, soit contre-productifs.

L'arme de prédilection du gouvernement conservateur passe par la multiplication et l'alourdissement des peines minimales obligatoires. Instaurer de telles peines oblige la magistrature à rendre une justice à l'aveugle. Les tribunaux deviennent des distributeurs automatiques d'emprisonnement.

Dans une société démocratique, la fonction de juger exige que tout citoyen soit traité comme une personne et non pas comme une simple abstraction liée à un numéro de dossier. Si le juge est forcé d'agir en tampon encreur de l'État, la séparation des pouvoirs devient une chimère.

La justice ne peut se rendre en état d'apesanteur: elle a besoin de s'enraciner socialement. Voilà pourquoi, à ce jour, le législateur a mis en exergue un principe de justice fondamentale: la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

À propos des principes pertinents, la loi prévoit que la peine doit être adaptée aux circonstances (aggravantes ou atténuantes) liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant. Dans ce registre, la culpabilité morale du contrevenant reste déterminante. L'équité et la rationalité du système de justice pénale mettent en cause la confiance du public.

L'apaisement recherché dans la vengeance est une illusion. Quelle que soit l'horreur du crime, le droit pénal n'a pas vocation d'être revanchard. À propos de cas individuels posant problème, selon l'énoncé de la loi, le juge attribue son dû à chacun. De cette façon, il sanctionne le tort et rend justice.

Dans un système rationnel de détermination des peines, l'importance respective de la prévention, de la dissuasion, du châtiment et de la réinsertion sociale varie selon la nature du crime et la situation du délinquant.

Plus affirmée que démontrée, la rhétorique conservatrice brandit l'effet dissuasif des peines minimales de prison pour en justifier l'existence. Cette proposition porte à faux.

Il est acquis que l'effet dissuasif de l'incarcération est incertain. La thèse gouvernementale repose sur deux prémisses erronées. L'une suppose que les contrevenants connaissent l'existence de peines minimales, ce que démentent les sondages d'opinion. L'autre suppose que ces délinquants redoutent leur arrestation, une pure contrevérité.

L'infliction d'une peine plancher est porteuse d'injustice. Ce mode de châtiment écarte l'analyse des circonstances entourant la perpétration d'une infraction. Certes, le crime commis reste l'élément clé de la détermination d'une juste peine. Cependant, les caractéristiques propres au contrevenant doivent aussi faire partie de l'équation. Sinon, le juge sanctionne objectivement un crime, plutôt que d'imposer une peine proportionnelle à la responsabilité du contrevenant.

La Cour suprême (affaire Schropshire) enseigne que «la détermination de la peine est un processus profondément subjectif». Le juge doit pondérer plusieurs objectifs sociétaux «eu égard à la culpabilité morale du délinquant et aux circonstances de l'infraction» en tenant compte des «besoins de la communauté».

À trop vouloir miner la responsabilité des juges en leur imposant un carcan, le gouvernement encourt le risque d'un rappel à l'ordre constitutionnel.