Après le Japon et la Chine, le premier ministre Jean Charest invite maintenant la France à venir exploiter les ressources du Plan Nord. L'insistance avec laquelle M. Charest tente de vendre le Nord québécois est déconcertante. Non seulement sa stratégie semble-t-elle davantage axée sur l'apport d'entreprises étrangères que québécoises, mais il semble oublier également que de plus en plus de Québécois réclament des changements majeurs dans la façon de concevoir le développement de nos ressources naturelles.

Au coeur des débats actuels est la nécessité d'éliminer le vieux principe du free mining, qui donne encore beaucoup trop de pouvoirs et de privilèges aux industries minières, gazières et pétrolières par rapport aux droits des citoyens et des collectivités.

Si ce principe de «libre accès» aux ressources du territoire trouvait une certaine logique pour les prospecteurs d'or du XIXe siècle, il n'a plus sa place aujourd'hui dans un contexte d'exploitation industrielle à grande échelle, où les marchés internationaux sont assoiffés de matières premières et où des dizaines de compagnies convoitent maintenant les ressources du Québec.

Non seulement le principe du free mining ne permet pas de tirer les pleins bénéfices de l'exploitation de nos ressources, mais il nous coupe également des outils nécessaires pour mieux contrôler la façon dont on les explore et les exploite.

Après deux ans de révision, le projet de loi visant à modifier la vieille loi sur les mines comporte encore plusieurs lacunes importantes. Ces lacunes ne permettent pas de garantir le respect des populations locales et de l'environnement.

Le projet de loi 14 maintient, entre autres, le droit des compagnies de recourir à la procédure d'expropriation des citoyens, et ce, dès le début des travaux d'exploration. De l'avis même du Barreau du Québec, il y a pourtant lieu d'atténuer ce «déséquilibre des forces» entre les entreprises et les citoyens.

À quelques exceptions près, il maintient également la préséance de la loi sur les mines sur les prérogatives des collectivités en matière de planification et d'aménagement du territoire, sauf pour les «périmètres urbanisés» et les zones de villégiature, qui ne représentent actuellement que 1% du territoire québécois.

Dans le contexte du Plan Nord, ce déséquilibre des forces sera certainement problématique dans l'atteinte des objectifs de protection et de conservation du territoire. Il risque également d'être problématique pour les autres utilisateurs du territoire (pourvoyeurs, municipalités, Premières Nations, etc.) lorsque leurs droits et intérêts seront incompatibles avec ceux des détenteurs de claims miniers.

La nécessité de maximiser la richesse collective tirée de nos ressources est également au coeur des débats actuels. Cet enjeu est crucial dans le contexte du Plan Nord qui s'apprête à intensifier l'exploitation des ressources. Au rythme actuel, ce sont l'équivalent de 100 à 200 milliards de dollars de ressources minières qui seront extraites du sous-sol québécois au cours des 25 prochaines années.

Afin de compenser l'épuisement de ces ressources non renouvelables et ainsi éviter certains des effets néfastes à long terme, il est possible de mettre sur pied un fonds collectif d'au moins 25 milliards en 25 ans. Financé à même les mines, ce fonds servirait non seulement à l'ensemble de la société québécoise, mais également aux principales régions concernées en contribuant dès maintenant à diversifier leurs économies.

Mais pour atteindre cet objectif, il faut maximiser la part que le Québec retire de ses ressources minières en faisant deux choses: bonifier les redevances actuelles à l'aide d'un taux «plancher» sur la valeur brute produite (et non seulement sur les profits, comme c'est présentement le cas) et amener le Québec à développer ses propres ressources grâce à des participations directes dans des projets stratégiques et payants.