C'était l'époque où les images qui nous provenaient de la ville polonaise de Gdansk ressemblaient à celles que l'on a vues en février dernier sur la place Tahrir. Unis derrière la figure du syndicaliste Lech Walesa, les Polonais défiaient avec courage la dictature communiste. Qui ne s'en est jamais vraiment relevée.

Ce mois d'août 1980 revêtait pour moi une signification plus personnelle: c'était l'occasion d'un premier retour dans mon pays natal, que j'avais quitté enfant, 12 ans plus tôt.

Jeune journaliste, je travaillais alors dans un hebdo de Longueuil. Quelques jours avant de prendre l'avion, j'ai fait un geste qui m'a alors semblé comme la plus grande des audaces: j'ai téléphoné au Devoir pour proposer un reportage sur la révolte des Polonais. Je ne sais par quel miracle, j'ai réussi à avoir le grand patron au bout du fil. C'était Michel Roy.

Il m'a accueillie avec beaucoup de gentillesse, sans me laisser sentir que je le dérangeais le moindrement, comme si j'étais la grande personne que je ne croyais pas être. Et comme s'il n'avait que ça à faire: encourager une journaliste tout juste sortie de l'université à faire ses premiers pas dans un reportage international.

Il m'a encouragée à lui envoyer mes articles. Et à ma grande surprise, il les a effectivement publiés à mon retour. Je me souviens encore de l'émotion que j'ai ressentie en voyant mon reportage publié dans un «vrai grand journal» ...

Quelques années et une crise économique plus tard, j'ai tenté ma chance du côté de La Presse. Et là encore, c'est Michel Roy, cette fois passé rue Saint-Jacques, qui m'a encouragée à présenter ma candidature. Toujours affable, respectueux, simple, humain, chaleureux. J'ai suivi ses conseils. Ce pas qui me paraissait infranchissable, je ne crois pas que je l'aurais osé sans lui.

Michel Roy est mort dans la nuit de jeudi à hier. Je veux simplement lui dire merci.