Si, après les attaques du 11 septembre 2001, les Canadiens s'attendaient à une plus grande préoccupation pour tout ce qui touche la sécurité, peu de gens ont prédit l'étendue et l'intensité de la réaction des Américains, ni à quel point certains de leurs choix politiques allaient avoir un effet sur les autres pays et même, dans certains cas, nuire à leurs intérêts stratégiques dans le monde.

Une des sociétés les plus ouvertes du monde ne l'est plus autant à cause des restrictions aux libertés civiles, de l'augmentation des dépenses liées à la sécurité et à la défense, des effets négatifs de la politique étrangère et aussi des difficultés que rencontrent les voyageurs. Peu d'aspects de la vie individuelle et nationale n'ont pas été touchés.

La préoccupation des Américains pour la sécurité a eu des conséquences un peu partout dans le monde, affectant la libre circulation des gens, des biens et des services aux frontières et causant l'instauration d'énormes frais de transaction sur ce qu'on considérait avant comme les avantages de la «mondialisation».

Les Canadiens ont été particulièrement touchés. Les mesures de sécurité et leur mise en application à la frontière américaine ont affaibli notre traité de libre-échange. Les livraisons transfrontalières aux usines pour la production en mode «juste-à-temps», et les voyages (pour les affaires ou le plaisir) ont été affectés à un point tel que les plus ardents défenseurs de l'accord de libre-échange ont reconnu la nécessité de trouver d'autres marchés et de signer des accords avec d'autres pays. Aux conséquences économiques, il faut ajouter les inconvénients que vivent des Canadiens innocents originaires de pays considérés comme suspects par les autorités américaines.

Une autre séquelle: l'érosion de la suprématie mondiale des institutions d'enseignement supérieur américaines, qui ont maintenant de la difficulté à recruter des étudiants et des universitaires d'autres pays (une situation qui a un effet positif pour les universités canadiennes).

Le 11-Septembre est en bonne partie responsable de la situation financière délicate des États-Unis. Leur budget de la défense a doublé, retrouvant son niveau de la Guerre froide. Les guerres en Irak et en Afghanistan ont ajouté des milliers de milliards de dollars à leur dette nationale.

Au lieu de rendre les États-Unis plus sûrs, certaines réactions politiques au 11-Septembre ont eu l'effet contraire et ont créé un climat dans lequel les arguments rationnels en faveur de solutions de rechange à l'usage de la force - la collaboration internationale et le pouvoir de cooptation - sont difficiles à défendre.

Toutes les démocraties occidentales ont augmenté de façon importante leurs dépenses liées à la sécurité et restreint des libertés civiles qui paraissaient auparavant essentielles. Les lois antiterroristes du Canada et de la Grande-Bretagne incluent des mesures qui autrefois auraient été inconcevables, mais qui sont aujourd'hui considérées comme un compromis nécessaire pour assurer une meilleure sécurité. Et c'est justement au nom de la sécurité que le Canada s'est engagé dans sa plus longue mission de combat depuis la Seconde Guerre mondiale, ce qui a transformé le visage de notre armée et affecté notre situation financière.

Si les attentats du 11 septembre 2001 étaient une action militaire limitée dont les auteurs n'ont pas eu à subir de trop graves conséquences, les répercussions sur les valeurs démocratiques et les libertés civiles mondiales ont été, quant à elles, très graves. Nous faisons tous les frais du 11-Septembre, tant sur le plan économique que sociétal, et ce, beaucoup plus que ce que nous aurions pu prédire en ce jour funeste où, incrédules et horrifiés, nous avons vu les tours jumelles s'effondrer.

En ce 10e anniversaire, nous devons revoir les actions mises en place, ne garder que les meilleures et éviter d'exacerber ce qui demeure une menace complexe à la sécurité de nos sociétés.