Devant la perte de popularité du mouvement indépendantiste, je voudrais partager avec vos lecteurs mon cheminement à l'égard de ce projet, afin d'éclairer par un exemple les raisons qui peuvent pousser une personne qui s'est identifiée à une certaine époque à cette option, à l'abandonner.

J'ai adhéré au mouvement indépendantiste dans les années 60 en acceptant le point de vue à l'effet que nous, les Québécois francophones, formions une nation, que nous vivions dans un pays, le Canada, où nous étions minoritaires et colonisés, et que nous avions les moyens de former un pays où nous serions majoritaires. Nous étions à l'époque inspirés par le mouvement mondial de la décolonisation.

Sur la base de ces convictions, j'ai été un des organisateurs de la campagne électorale de Guy Joron dans la circonscription de Gouin en 1970. Il est devenu l'un des six premiers députés du Parti québécois élus à cette élection, la première à laquelle participait ce nouveau parti. J'ai par la suite voté oui à l'occasion des référendums de 1981 et 1995.

Je ne vote plus pour le Parti québécois, et s'il devait y avoir un nouveau référendum demandant si l'on veut que le Québec devienne souverain, je voterais non. Pourquoi? Parce que, en connaissant mieux le monde, j'ai pris conscience de la qualité de vie dont nous jouissons au Canada. J'ai des enfants et des petits-enfants. Je souhaite qu'ils puissent eux aussi bénéficier de cette qualité de vie.

Ceci m'amène à faire état de quelques considérations qui me portent à penser que ce ne serait pas nécessairement le cas s'il y avait un référendum et que les Québécois votaient pour la souveraineté.

Comment les indépendantistes pourraient-ils dire non au démantèlement du territoire québécois face aux peuples autochtones qui ont dit et répètent qu'advenant la séparation du Québec, ils veulent demeurer au Canada avec leur territoire? Nous les reconnaissons comme Premières nations. N'ont-ils pas droit, eux aussi, de choisir leur avenir politique? Combien coûteraient les négociations relatives au partage de la dette et des actifs fédéraux, et combien de temps dureraient-elles? Quelle serait la monnaie qui aurait cours légal au Québec?

Ces questions ne reflètent que quelques exemples des difficultés que l'on s'imposerait advenant la victoire de l'option indépendantiste. Ce sont des questions concrètes que soulève le projet et auxquelles on n'a pas trouvé de réponses convaincantes depuis 50 ans que dure ce débat.

D'autres défis, tels la mondialisation, la construction d'institutions pertinentes et performantes à ce niveau pour assurer la paix mondiale, l'amélioration du sort des plus démunis, la protection de l'environnement et la recherche d'une solution au défi alimentaire mondial sont les enjeux qui mobilisent aujourd'hui mon attention.

Et bien d'autres Québécois semblent eux aussi avoir décidé de tourner leur attention vers d'autres sujets que la sempiternelle question nationale.

Mario Dumais

L'auteur est économiste.