Chaque fois que je fais la lecture d'un article sur l'expansion inévitable de la Chine et sa montée au sein des plus grandes puissances mondiales, j'arrive difficilement à concilier ces prédictions avec la réalité dont j'ai été témoin lors de mon année dans la campagne chinoise.

À l'extérieur des grands centres économiques (Shanghai, Pékin, Hong Kong), qui bénéficient d'un rayonnement international, un fossé presque infranchissable se creuse actuellement avec le reste du pays.

Dès que l'on dépasse la limite des métropoles, la poussée vers le progrès de la Chine semble s'embourber en raison d'un manque de ressources et d'expertise. On cherche à faire avancer le progrès et on entame d'énormes travaux sans vraiment se demander si la population est prête à suivre la vague.

Dans les plus petites villes, on modernise en construisant des édifices énormes qui ne seront jamais complétés, par manque de fonds, ou encore jamais habités par les familles, qui préfèrent rester dans le logis familial commun. C'est pourquoi le panorama de plusieurs grands centres est hanté par ces édifices éternellement en construction.

De plus, toute cette expansion rapide a des effets catastrophiques sur le plan des villes qui deviennent des labyrinthes sans fin, où les transports en commun sont constamment bondés et inaccessibles.

Plutôt que d'amener les gens à la ville, c'est la ville qui vient aux gens, apportant avec elle sa pollution et ses problèmes de santé.

Et voilà où se situe un des plus grands problèmes de cette nation qui cherche à rejoindre très (trop) rapidement la cour de grands. Le manque de contrôle sur l'utilisation des ressources et la quantité de pollution émise par les moyens de transport et les entreprises tuent littéralement la population à petit feu, et le gouvernement, qui décide de volontairement fermer les yeux face à ce problème, a le doigt sur la gâchette.

À Shanghai ou à Pékin, sur lesquels tous les yeux de la planète sont présentement rivés, certains efforts sont mis en place pour améliorer l'environnement. Mais au beau milieu de la province de Shanxi, les compagnies font ce que bon leur semble. Jusqu'à quel point peut-on ainsi pousser avant que les dommages deviennent irréparables?

Après avoir discuté avec mes élèves du Henan de leur perception parfois méprisante des étrangers habitant leur pays, ce qui reste à mes yeux le plus dangereux est le message envoyé à ces universitaires par leur gouvernement. Selon tous ces jeunes qui carburent à Lady Gaga et portent des survêtements Nike, la Chine sera toujours capable de trouver un moyen pour «duper» les étrangers...

Comment la Chine arrivera-t-elle à continuer, toutes voiles dehors, sa course vers l'expansion mondiale si la majorité de la population à l'extérieur des grands centres est dépassée par la vague?

L'auteure a enseigné l'anglais pendant un an dans la province d'Henan, en Chine.