Chaque rentrée amène une catastrophe environnementale tout aussi prévisible qu'évitable partout au Québec: le déversement sur nos balcons et dans nos entrées de centaines de milliers d'annuaires des Pages Jaunes.

Dans les jours qui suivent, ces mêmes bottins se retrouvent dans tout autant de bacs de récupération ou, pire, si la collecte des ordures précède celle des matières recyclables, directement à la poubelle dans bien des cas. Au mieux, elles y vont l'année suivante, lors du nouvel arrivage!

L'utilité de ces Pages Jaunes et autres annuaires du même type n'était jadis pas à démontrer. Mais aujourd'hui, quand on obtient sur l'internet tous les fournisseurs du monde en une simple recherche sur Google ou encore sur le site même des Pages Jaunes, c'est à se demander, vraiment, s'ils ne sont pas devenus inutiles, voire obsolètes, à tout le moins optionnels.

Alors qu'environ trois ménages sur quatre sont branchés à l'internet au Québec, il serait temps d'en prendre note, chez ces entreprises qui donnent dans la pollution et le gaspillage institutionnalisés. Il serait temps, surtout, à l'hôtel de ville ou à l'Assemblée nationale, d'agir pour mieux contrôler le «fléau».

D'ailleurs, comment convaincre l'ensemble des citoyens de poser des gestes en faveur de l'environnement, petits et grands, quand on assiste à pareil sabotage de leurs efforts? Si l'on parle souvent de justice sociale, abordons le problème du point de vue de la justice environnementale.

J'en suis venu moi-même à avoir l'immense malaise de faire la demande d'un sac de plastique lorsque je m'arrête au magasin, à l'improviste, sans un sac réutilisable. Je suis de facto jugé criminellement responsable. Or, dans mon seul quartier, la distribution des Pages Jaunes, bien scellées dans un sac de plastique de surcroît, vient d'anéantir tous les efforts que je pourrais déployer pour le reste de mes jours! À quoi bon, en effet, frotter mon pot de beurre d'arachides pendant dix minutes avant de le mettre dans le bac quand, d'autre part, les entreprises comme les Pages Jaunes vivent en polluant et polluent pour vivre? Où est l'équité?

J'en viens donc à en avoir marre d'être constamment l'objet de campagnes de sensibilisation, sinon de culpabilisation, qui veulent que j'éteigne les lumières, lave à l'eau froide, prenne le métro et bannisse les bouteilles d'eau, alors qu'à la face du monde, ces bottins illustrent tout le déséquilibre entre la responsabilité des simples citoyens et celle des entreprises.

Des mesures s'imposent. D'abord, comment se fait-il que la simple mention «pas de circulaire» qui m'épargne la livraison de 23 dépliants de pizzérias par année, du Publi-sac hebdomadaire et de combien d'autres dizaines de circulaires, ne me mette pas à l'abri de ces 600 pages livrées d'une seule brique? Il y a là une flagrante incongruité.

Enfin, plus simplement, pourquoi les Pages Jaunes n'enverraient-elles pas, de façon massive si elles le souhaitent, un avis de disponibilité de l'annuaire, sous forme de carte postale, par exemple? Il s'agirait par la suite de téléphoner, d'envoyer un courriel ou de retourner ladite carte pour recevoir cet outil, s'il est jugé utile par le destinataire.

Sans brimer le droit légitime des Pages Jaunes de faire affaire, peut-on collectivement - et de façon très personnalisée - dire à cette entreprise et aux autres semblables que nous ne sommes pas intéressés à recevoir leurs produits et qu'on les aime bien mieux en ligne? En somme, qu'on préfère le vert au jaune comme couleur pour nos perrons?