Pendant que, partout au pays, on pleure Jack Layton, chef de l'opposition officielle et espoir de toute une tranche de la population, nous laissons se produire un événement qui va à l'encontre de tout ce pour quoicet homme s'est battu, tout ce en quoi il croyait. Quel gâchis.

Une femme de chambre d'origine africaine porte plainte pour agression sexuelle contre Dominique Strauss-Kahn, grand patron du Fonds monétaire international, et on refuse de lui accorder un procès. Pourquoi? Nafissatou Diallo a menti aux procureurs, elle a des liens avec des trafiquants de drogue... Puisqu'elle n'est pas crédible, ce n'est pas la peine de lui accorder un procès. Les jurés ne pourraient pas se fier à son témoignage. Ce que j'en comprends, c'est que dans la belle démocratie américaine (lire donc dans la nôtre, dans le monde occidental en général), si un agresseur choisit bien sa victime, il est d'ores et déjà assuré de l'impunité. Avis, donc, aux profiteurs, aux agresseurs, aux violents de toutes sortes: si vous choisissez bien votre victime, n'ayez aucune crainte. Violez, volez, assassinez, le monde ne vous jugera pas. Surtout si vous êtes nantis.

Et moi qui avais la naïveté de croire que nous vivions dans une société évoluée. DSK est peut-être innocent, comme le clament ses avocats à grand renfort de battage médiatique. Mais peut-être qu'il ne l'est pas. La seule chose qui est certaine, c'est que la femme qui porte plainte a commis des erreurs dans son passé. Et que, par le fait même, elle est discréditée au point d'être jugée sans importance. Jugée coupable sans même avoir été mise en accusation, tandis que son présumé agresseur, lui, est jugé innocent sans procès.

Jusqu'où poussera-t-on ce raisonnement ? Parce que refuser à un plaignant de se faire entendre sous un prétexte aussi fallacieux, c'est ouvrir grand la porte à tous les abus. Où mettra-t-on la limite ? J'entends déjà les «elle a couru après» qui retentiront lorsqu'une fille en jupe se fera violer en rentrant chez elle après son quart de travail de nuit, ainsi que les «ben bon pour lui!» pour le gars qui revient de prendre une bière et qui se fait rentrer dedans par un chauffard en cravate.

Jack, tu as bien mal choisi ton moment pour partir. Dans une société aussi machiste, aussi capitaliste, aussi aveugle, tu avais encore beaucoup à accomplir. J'espère seulement que ta foi, ton courage et ta droiture sauront inspirer la population et, qui sait, peutêtre même quelques hommes de loi à l'esprit tordu.