Steven Guilbeault (Équiterre), Graham Saul (Réseau Action climat Canada), Keith Stewart (Greenpeace), John Bennett (Sierra Club du Canada), Gideon Foreman (Association canadienne des médecins pour l'Environnement), Nikki Skuce (Forest Ethics)    

Le tapage entourant une nouvelle stratégie énergétique nationale lors de la rencontre des ministres de l'Énergie, la semaine dernière, a permis de constater que les bonnes vieilles querelles et stéréotypes du passé, par exemple le célèbre «le Québec déteste l'Alberta» ou encore le classique «tout le monde déteste Toronto», sont maintenant démodés.

En effet, les échanges à Kananaskis ont plutôt mis en évidence les deux visions très différentes du futur énergétique canadien qui divisent aujourd'hui les provinces.

Le premier camp, celui d'un groupe lobbyiste fortement représenté par l'industrie pétrolière, faisait valoir la mise en place d'approbations environnementales plus expéditives et la construction d'un plus grand nombre d'oléoducs pour favoriser une expansion rapide de la production des sables bitumineux.

L'autre proposition, formulée par la Fondation Tides Canada et appuyée par un groupe de compagnies oeuvrant dans les énergies propres, le milieu municipal, les gouvernements des Premières Nations, des universitaires, des organisations religieuses et des groupes environnementaux, exposait une stratégie pour effectuer une transition des énergies fossiles vers les énergies propres. Cette proposition faisait valoir un futur où le Canada produirait et investirait encore davantage dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, reconnaissant qu'il n'est pas viable de dépendre ou de compter sur le pétrole pour assurer son avenir.

L'industrie pétrolière arrivait à Kananaskis confiante, et même arrogante, convaincue que sa vision l'emporterait, notamment en raison de la commandite de 180 000 $ qu'elle a octroyée à la rencontre.  Cette commandite n'était qu'un simple ajout à l'entente plus globale négociée derrière des portes closes entre l'industrie, le gouvernement fédéral et le gouvernement albertain, qui ont convenu de mener une importante campagne de lobby et de relations publiques de plusieurs millions de dollars pour promouvoir et défendre les sables bitumineux.

Pourtant, même les conseillers économiques du premier ministre de l'Alberta lui ont indiqué que la province « devait prévoir l'éventualité que la production des sables bitumineux serait certainement remplacée dans le futur par des alternatives moins couteuses et moins émettrices de GES. Nous avons peut-être du pétrole lourd à vendre, mais peu ou aucun marché ne voulant en acheter » (traduction libre). Malgré ces conseils, cela n'a pas empêché l'Alberta et le gouvernement fédéral de déclarer que les sables bitumineux étaient « durables » et « responsables ».

Heureusement, cette vision de l'Alberta a été contrecarrée par celle de l'Ontario, où la Loi sur l'énergie verte génère des investissements de plusieurs millions de dollars pour le développement de l'énergie éolienne ou solaire, qui s'est refusé à qualifier les sables bitumineux de durables ou responsables. Le Québec s'est aussi distancié de cette vision, indiquant que la province voulait se concentrer sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique.

L'industrie pétrolière sait que ses jours sont comptés et tente d'assurer ses arrières, notamment par la mise en place d'infrastructures permettant le transport du pétrole, avant que les changements climatiques ou que la compétition venant des énergies vertes ne la rende aussi désuète qu'une machine à écrire ou qu'une cassette « 8-track ».

Davantage présente dans certaines provinces, la nouvelle économie énergétique verte se répand à travers le pays, et ce, extrêmement rapidement. Ce développement se fait avec l'appui des scientifiques les plus crédibles de la planète qui indiquent qu'il n'y a aucune raison pour ne pas répondre à nos besoins énergétiques par des sources renouvelables.

Face à cette dualité, que doit-on faire?

Premièrement, nous avons besoin d'un but et d'une stratégie. Considérant la menace des changements climatiques qui pèse sur nous et les multiples opportunités offertes par l'économie énergétique propre, cette stratégie doit nous mener loin des énergies fossiles.

Deuxièmement, nous devons reconnaitre que nous ne faisons plus face aux mêmes rengaines du passé et que la nouvelle stratégie énergétique divise d'une nouvelle façon.

Troisièmement, nous devons tous ensemble arriver à une stratégie qui puisse unir le pays, une stratégie à travers laquelle toutes les régions puissent prospérer, bénéficier d'un air plus pur et d'un futur plus sain.

Il s'agira d'un héritage économique et environnemental que nous pourrons être fiers de léguer aux générations futures.