Mardi soir, en se présentant en studio pour le débat télévisé en anglais, les quatre chefs de parti fédéraux étaient dans des situations très différentes les uns par rapport aux autres.

Stephen Harper était probablement celui qui avait le plus à perdre, notamment parce que son parti est en tête des intentions de vote depuis le début de la présente campagne fédérale.

Quant à Michael Ignatieff, ce débat représentait un baptême du feu pour le moins attendu, lui qui est de loin le moins expérimenté des chefs en présence. Et contrairement à Jack Layton, qui devait s'efforcer d'aider son parti à remonter la pente en ce qui concerne les intentions de vote, Gilles Duceppe n'avait pas grand-chose à perdre, puisque la vaste majorité de l'auditoire d'hier soir se situait au Canada anglais, pour des raisons évidentes. Pour lui, qui est de loin le chef de parti le plus expérimenté à Ottawa, le débat crucial aura lieu mercredi soir en français.

Dans ce contexte, comment ces quatre chefs se sont-ils débrouillés au cours du débat? Placé sur la défensive dès le départ par M. Duceppe au sujet du rapport inédit de la vérificatrice générale sur les sommets du G8 et du G20 tenus en Ontario l'an dernier, M. Harper s'est défendu, tout au long du débat, contre les attaques en règle de ses trois adversaires. Selon lui, au sortir d'une récession majeure, le Canada est dans une bien meilleure situation économique que de nombreux autres pays développés, et ce en raison des politiques de son gouvernement. Tout au long du débat, il est resté calme, malgré des attaques verbales qui fusaient de toutes parts.

Quant à Michael Ignatieff, il a fait face à des attaques directes de Jack Layton, qui l'a accusé d'avoir manqué 70% des votes à la Chambre des communes, ce qui le placerait selon lui dans une position difficile pour parler de démocratie et aspirer à devenir premier ministre. Mais un peu plus tard au cours du débat, M. Ignatieff a fait preuve de vigueur en accusant M. Harper d'adopter une approche purement répressive en matière de lutte contre la criminalité tout en se moquant des institutions et des principes démocratiques dans le but d'assouvir sa passion du pouvoir.

M. Duceppe a attaqué M. Harper sans relâche, parfois même en ignorant la question posée afin de parler, entre autres, de l'entente signée par M. Harper et les deux autres leaders de l'opposition durant les années Martin. Toutefois, M. Duceppe est évidemment moins à l'aise en anglais qu'en français et ses propos semblaient parfois manquer de cohérence.

Durant le débat, aucun des quatre chefs n'a émergé comme le « vainqueur » absolu, ce qui est sans doute une bonne chose pour M. Harper, qui est déjà en tête des intensions de vote et qui, hier soir, ne semble pas avoir fait d'erreur majeure, ce qu'il se devait justement éviter. Au-delà de cette réalité, il faut souligner que, malheureusement, plusieurs enjeux sociaux clé, comme les politiques familiales, la situation des amérindiens, les pensions de vieillesse et la lutte contre la pauvreté et le chômage, n'ont pas été vraiment débattues. De plus, la question de l'environnement a été à peine mentionnée.

En général, ce débat fut donc une occasion manquée d'aborder certaines questions essentielles qui préoccupent de nombreux citoyens. Souhaitons qu'au moins certaines de ces questions seront directement abordées ce soir, dans le cadre du débat en français.