Pourquoi fallait-il interdire la vente de PotashCorp? Parce que l'ouverture aux échanges commerciaux et la coordination nécessaire des politiques monétaires qui sont associées à la mondialisation ne doivent pas faire oublier la concurrence intense qui sévit sur les marchés internationaux.

Tous les États tentent, avec plus ou moins de bonheur et de transparence, de soutenir les entreprises nationales et de défendre leur marché domestique. Au pays, nos dirigeants appliquent avec constance une stratégie de développement national où alterne la promotion du libre-échange avec des mesures de protectionnisme.

La progression du commerce est essentielle à la croissance de l'économie canadienne. Les gouvernements - les provinces participent aux discussions - sont très actifs à l'échelle internationale pour faire tomber les barrières commerciales et, surtout, par la signature d'accords de libre-échange, protéger nos exportations des velléités protectionnistes conjoncturelles.

Le projet d'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, amorcé il y a 18 mois, devrait être lancé dès le printemps 2011. Dans la foulée du G20 et du sommet de l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique), le gouvernement canadien a annoncé le lancement de discussions devant mener à des ententes de libéralisation commerciale avec l'Inde et le Japon. Des négociations sont également en cours avec la Corée, la République dominicaine, l'Ukraine, Singapour, le Maroc, la Turquie, le Marché commun des Caraïbes et l'Amérique centrale (Guatemala, Salvador, Honduras et Nicaragua).

Au cours des deux dernières années, huit accords de libre-échange (Colombie, Pérou, Norvège, Jordanie...) sont entrés en vigueur. L'hyperactivité bilatérale déployée devrait se traduire par un accès aux marchés et donc par des gains pour les entreprises beaucoup plus importants que ce qui aurait été obtenu si la ronde de l'OMC, aujourd'hui suspendue, aboutissait.

Mais la libéralisation a ses limites. Pas question de laisser des entreprises étrangères tirer bénéfice de notre marché ou s'approprier nos richesses sans contrepartie. C'est le principe, en plus d'accéder aux demandes insistantes du gouvernement de la Saskatchewan, qui a prévalu dans la décision du cabinet fédéral de bloquer l'achat de PotashCorp par le consortium anglo-australien BHP Billiton.

Règle générale: les pays n'ont aucun intérêt à se départir de leurs actifs et accroître leur endettement en accueillant sans contrepartie le surplus de liquidités des multinationales étrangères. Cette position défend notre autonomie financière, luxe que les pays en développement, pauvres en capital, ne peuvent pas se permettre. Le choix protectionniste d'Ottawa prévient la vulnérabilité qui accompagne l'endettement.

Après des atermoiements de près de cinq ans, le gouvernement du Québec a réagi et voté la loi 116 qui accorde au consortium Bombardier Alstom le contrat des voitures du métro de Montréal. Il aura fallu à peine cinq articles dans la nouvelle loi pour réaffirmer l'évidence: les grands équipements collectifs sont réservés aux producteurs locaux.

Dans la mesure où l'ouverture négociée des marchés publics se fait dans le cadre d'accords de libre-échange avec des marchés plus importants (Europe, Inde, Japon), les entreprises canadiennes, à compétence technologique égale et comptant sur l'apport du financement préférentiel autorisé, devraient être avantagées.

Le Canada est une grande puissance économique. Dans le monde, on reconnaît volontiers le pragmatisme tranquille, la régulation prudente qui n'interdit pas l'opportunisme volontariste de nos programmes économiques. Pour les observateurs étrangers, la compétence dont font preuve les gouvernements fédéral et provinciaux ne fait pas de doute.

Ici, on préfère s'indigner des improvisations, incertitudes et autres cafouillages de nos décideurs et, plus généralement, déplorer la dictature du marché et la vulnérabilité partisane à laquelle le monde politique serait soumis. Le contraste est frappant.

La conduite de notre politique économique est un modèle de transparence, ce qui n'interdit pas quelques zones d'ombre. Ainsi, l'application des normes qui régissent le commerce et les multiples conventions internationales auxquelles nous souscrivons est rigoureuse.

L'épisode de PotashCorp ne justifie pas de changer les règles qui s'appliquent aux investissements. Au contraire, le flou actuel entourant l'application des critères autorisant les investissements étrangers assure une marge de manoeuvre indispensable. Pour nous, comme pour nos partenaires, l'affirmation souveraine n'est pas négociable. Le reste du monde ne nous en estime pas moins.