J'ai lu le communiqué de presse sur l'euthanasie publié sur le site du Collège des médecins du Québec (3 novembre). Le Dr Lamontagne y mentionne entre autres que des soins qu'il juge «adéquats» sont prohibés par le Code criminel. Il mentionne aussi qu'il faut un «nouveau cadre législatif».

Bref, le Dr Lamontagne, et le Collège des médecins avec lui, prennent clairement position pour une nouvelle loi permettant l'euthanasie, celle-ci étant définie par lui-même comme «des soins appropriés de fin de vie». Le tout est présenté de façon drôlement confuse et floue cependant, les auteurs du communiqué insistant sur la complexité de la question, laissant entendre (si j'ai bien compris le sens de l'exposé) qu'on est ici au-delà du droit...

Le mandat du collège étant d'abord de protéger la vie et la santé des citoyens québécois, pouvoir qui lui est délégué par le gouvernement, n'est-il pas étrange qu'il appuie aussi ouvertement des actes prohibés par le Code criminel et qui ont pour conséquence d'entraîner la mort de citoyens, souvent affaiblis, citoyens dont il a le mandat de protéger l'intégrité et la vie?

Face à ce sujet - je rappelle qu'avant d'être question de souffrance il est question de vie et de mort d'une personne -, le Collège avait selon moi, de par son mandat, un devoir de réserve.

Les sociétés canadienne et québécoise, n'en déplaise au Collège des médecins, se fondent sur la primauté du droit. Certains droits, dont celui à la vie, sont protégés par des lois. On ne peut prendre la vie d'un autre, même avec les sentiments les plus nobles, même avec son consentement. Et ce point de départ restera toujours approprié, au-delà des modes ou des «évolutions de mentalité», contrairement à ce que pensent les dirigeants du Collège des médecins. Abattre cet interdit, qui a historiquement fait consensus (si on fait exception de l'Allemagne nazie de 1933 à 1945), c'est en quelque sorte nier un pilier culturel que nous avons hérité de nos ancêtres, et qui trouve son origine à la fois dans l'Antiquité (les Hébreux et les Grecs - Hippocrates entre autres), et dans l'élaboration du droit en Occident.

Je laisse à d'autres le soin d'expliquer ou de justifier le pourquoi de cet interdit. Philosophes, juristes, historiens de tout temps ont pu le définir, et le problème de la «souffrance inacceptable» n'est pas apparu au XXIe siècle, il a toujours existé. Avancer que cette position traditionnelle (le mot est détesté par certains esprits modernes, je le sais, mais il s'agit d'une tradition dans le sens de transmission de vérité), est arrivée à sa date d'expiration relève soit d'une certaine ignorance culturelle, soit d'une arrogance intellectuelle baignée de bons sentiments.

En se positionnant pour une nouvelle loi permettant ce que plusieurs appellent «meurtre par compassion», contrairement à leur louable désir d'humanisation des soins, le Collège des médecins du Québec et son président, le Dr Lamontagne, ouvrent plutôt maladroitement la porte à l'effondrement de la grandeur humaine de la médecine d'ici, qui repose sur la défense et l'affirmation de la valeur de chaque individu (même le plus faible, le plus vil ou le plus débilité) jusqu'à sa fin naturelle.

Marc Beauchamp

L'auteur est chirurgien orthopédiste.