Voici une anecdote. Un immigrant allophone s'est installé à Gatineau. Au début, il essayait de parler en français. Mais en entendant son accent, les francophones répondaient en anglais. Donc, il est passé à l'anglais. À quoi bon parler français si les interlocuteurs changent la langue?

Moi, cela m'arrive souvent. En comprenant que je viens «d'ailleurs», des francophones passent à l'anglais (même lorsqu'ils ne le maîtrisent guère). Ils croient, probablement, que c'est «gentil»: il faut s'adresser à un «étranger» dans «sa» langue. Comme si tous les non-Québécois étaient des anglophones! L'idée qu'un «étranger» puisse parler le français mieux que l'anglais ne traverse jamais certains esprits. Il est aussi inimaginable qu'un non-francophone préfère le français à l'anglais.

On dit que le français a besoin de protection. C'est vrai. Je crois que la Charte devrait être renforcée et surtout qu'elle doit être respectée. Mais cela n'est pas suffisant. Comment veut-on que les autres respectent le français si les francophones ne le respectent pas eux-mêmes?

Je suis né en Ukraine, où personne ne parle ni anglais ni français. Le français n'est pas ma langue maternelle, mais l'anglais non plus! Et mon accent n'est pas si fort. D'où vient donc cette idée de me «rendre service» en me répondant en anglais? En faisant cela, un interlocuteur envoie un message tout à fait inverse: «Tu n'es pas des nôtres et tu ne le seras jamais. Tu n'es même pas capable de parler notre langue». Pour quelqu'un qui aime le Québec et veut faire partie du monde francophone, un tel message est une gifle.

Et les anglophones du ROC? Beaucoup veulent apprendre le français. Mais lorsqu'ils essaient de le pratiquer dans les rues de Québec, on tue ses tentatives dans l'oeuf en ne leur répondant qu'en anglais. J'en ai entendu beaucoup se plaindre de cela.

Si l'on veut protéger le français, il faut commencer par le respecter.