Il y a encore un an, on parlait de Chinamerica pour souligner les interdépendances commerciales et financières entre les États-Unis et la Chine, ou de G2 pour évoquer leur vocation à dominer la gouvernance de la planète. On sous-estimait alors les sujets politiques qui les opposent (Taiwan, Tibet, la non-prolifération nucléaire, les droits de l'homme). Aujourd'hui, le débat entre les deux pays s'envenime sur le terrain économique et commercial.

Il y a encore un an, on parlait de Chinamerica pour souligner les interdépendances commerciales et financières entre les États-Unis et la Chine, ou de G2 pour évoquer leur vocation à dominer la gouvernance de la planète. On sous-estimait alors les sujets politiques qui les opposent (Taiwan, Tibet, la non-prolifération nucléaire, les droits de l'homme). Aujourd'hui, le débat entre les deux pays s'envenime sur le terrain économique et commercial.

Du point de vue américain, la Chine ne joue pas le jeu de la relance mondiale et, grâce à son taux de change sous-évalué, continue à enregistrer des excédents commerciaux, à agrandir ses parts de marché et à détruire des emplois industriels aux États-Unis.

De son côté, la Chine est encore sous le choc de la crise mondiale et sa croissance en 2009 et 2010 ne tient qu'à son plan de relance interne. En recentrant sa croissance sur son marché intérieur, la Chine ne procède pas seulement à un changement tactique mais à un tournant stratégique.

Dans ce contexte, une appréciation du yuan irait dans le bon sens. Mais l'expérience du Japon incite les autorités chinoises à une extrême prudence. À partir de 1987, la Japon a dû réévaluer sa monnaie sous les pressions extérieures et il est entré dans une longue phase de ralentissement économique. La Chine attend le moment où l'appréciation du yuan pourra se faire progressivement et sans effet déstabilisateur (entre 2005 et 2008, il s'est ainsi apprécié de 20% par rapport au dollar). Les pressions extérieures sur sa politique de change sont sans doute contre-productives, et le discours américain est surtout à destination de politique intérieure.

Jusqu'à l'éclatement de la crise économique en 2008, les relations entre la Chine et ses partenaires ont été à bien des égards un jeu «gagnant-gagnant». On ne soulignera jamais assez combien les entreprises occidentales ont contribué au «miracle» chinois et en ont tiré profit: en y produisant pour servir le marché local autant que pour exporter. Les entreprises et les consommateurs aux États-Unis (comme ailleurs) en ont bénéficié. La moitié des importations américaines en provenance de Chine proviennent des entreprises entièrement étrangères qui y sont installées; dans le cas des produits électroniques, premier poste d'importation, la proportion atteint 80%.

La crise change la donne. Comme la reprise dans les économies occidentales est faible et fragile, la Chine, avec sa croissance de 8% ou 9%, est un marché de plus en plus convoité par tous.

Or, en relançant la demande intérieure, les autorités chinoises entendent qu'elle profite d'abord aux entreprises chinoises qui, pour nombre d'entre elles, cherchent à reconvertir leurs exportations vers le marché local. Les entreprises occidentales craignent, à juste titre, de s'y trouver désavantagées.

La reprise de l'économie mondiale a besoin de plusieurs moteurs, faute de quoi les tensions commerciales s'aggraveront entre la Chine et ses partenaires. Si elles débouchaient sur des mesures de sanction et de rétorsion, le conflit serait sûrement «perdant-perdant».