Je suis abasourdi par l'ampleur médiatique qu'a pris le cas de Naema et son niqab. Ce cas isolé devait-il relancer le débat sur les accommodements raisonnables ? Que dire de la surcharge médiatique autour de ce symbole que représente pour nous le niqab ?

Je suis abasourdi par l'ampleur médiatique qu'a pris le cas de Naema et son niqab. Ce cas isolé devait-il relancer le débat sur les accommodements raisonnables ? Que dire de la surcharge médiatique autour de ce symbole que représente pour nous le niqab ?

Mon propos ici n'est pas de condamner qui que ce soit. Je veux simplement souligner que le niqab soulève des enjeux identitaires paradoxaux pour les femmes qui vivent dans des pays intégristes. Dans ces pays, le niqab peut porter deux visages identitaires pour les femmes. Dans ces pays, la question de l'égalité femme-homme est occultée par la domination culturelle et religieuse des hommes.

Le niqab représente une obligation d'ordre divin pour les femmes. Il protège les hommes de l'attrait sexuel qu'exercent les femmes sur eux. Le niqab contribue donc à « désérotiser » la femme et, par le fait même, l'espace public. Son premier visage en est un d'oppression d'un système patriarcal sur les femmes.

Traditionnellement, le niqab a comme fonction de « cloisonner » la femme dans un espace protégé. Il l'enferme dans un monde de pudeur pour la protéger du monde extérieur dominé par la licence. Ce vêtement détermine donc l'appartenance de la femme à l'islam intégriste.

Toutefois, il peut aussi représenter un autre visage, celui de la lutte des femmes pour prendre une place dans la société des hommes.

Sans niqab, les femmes sont confinées à la maison. Elles ne peuvent sortir sous aucun prétexte. La cloison morale du niqab permet aux femmes de conquérir l'espace public, de conquérir l'éducation et le marché du travail, etc.

Dans des pays radicaux, le niqab est devenu, pour certaines femmes, un symbole de libération. Avec un symbole, ici considéré comme radical, elles conquièrent, là-bas, un espace social qui leur est interdit habituellement.

Être cloîtrée ou porter le niqab ! Le choix est évident. Ces femmes cherchent à s'émanciper du pouvoir masculin avec les outils qu'elles peuvent utiliser. Elles cherchent à devenir des sujets autonomes plutôt que des objets culturels ou religieux. Leur marche intégralement voilée les mène, bon an mal an, vers une conquête des nouveaux espaces traditionnellement réservés aux hommes.

Évidemment, mon propos ne règle absolument pas la problématique du Québec. Comme société, qui défend des valeurs d'égalité entre les genres, nous avons le devoir de dire non à toutes formes de discrimination des femmes, quelles soit symboliques, religieuses ou culturelles. Nous avons le devoir de rappeler, haut et fort, que nous luttons pour conquérir l'égalité des genres. Et que cela est non négociable.

Toutefois, face à la femme qui porte le niqab, cela doit se faire d'une façon éthique et respectueuse. Il est utopique de penser qu'elles vont enlever leur niqab du jour au lendemain. Particulièrement si elles adhèrent à l'islam intégriste ou si elles portent le niqab par choix personnel.

Pour certaines de ces femmes, l'émancipation féministe occidentale est un leurre. Elles considèrent que les femmes occidentales s'aliènent en se réduisant à l'état d'objet sexuel ou en voulant devenir des hommes. Ces femmes endossent souvent la notion de différence ou de complémentarité entre les hommes et les femmes.

Le niqab est donc un choc des cultures et des identités culturelles et religieuses. Son interdiction dans les institutions publiques doit se faire dans un dialogue franc et respectueux avec ces femmes, sur leur choix, leurs craintes, leur conception de l'Occident, de l'homme, de la femme et des rapports femme-homme.

L'interdiction pure et dure, sans dialogue et compréhension de l'identité de l'autre devant soi et aussi une forme d'intégrisme à éviter. Il faut faire attention au repli identitaire des personnes que nous accueillons. L'intégrisme se développe par le rejet et l'incompréhension.