Alors que l'économie canadienne reprend vie (PIB en hausse de 1,2% au dernier trimestre de 2009), la Banque du Canada se réunit aujourd'hui pour discuter politique monétaire. Aucun changement tangible n'est attendu puisque les dirigeants de la Banque répètent depuis environ un an que le taux directeur, installé à un plancher de 0,25%, y restera ancré jusqu'à l'été prochain.

Compte tenu de la performance de l'économie canadienne (ajout de 138 000 emplois depuis août 2009) et du dynamisme du marché immobilier, la Banque du Canada devrait cependant insister sur la nécessité d'augmenter graduellement son taux directeur en seconde moitié de 2010.À pareille date l'an dernier, les banques centrales abaissaient leurs taux directeurs et adoptaient des politiques monétaires d'urgence de façon synchronisée. Parallèlement, les gouvernements mettaient en place des plans de relance musclés. Avec l'amélioration de la situation macroéconomique, l'attention se porte désormais sur le retrait des mesures d'urgence. Mais comme la reprise économique mondiale est inégale, la prochaine phase de normalisation monétaire (augmentation des taux d'intérêt) et fiscale (réduction des déficits) ne sera pas synchronisée.

Sur le plan de la politique monétaire, l'Australie, la Norvège, le Brésil et la Chine comptent parmi les pays qui ont déjà commencé à jeter du lest, soit en relevant leur taux directeur, soit en limitant l'octroi de nouveaux prêts. Les pays émergents ainsi que ceux qui exportent des matières premières profitent d'une reprise plus dynamique jusqu'à présent, d'où l'intention de normaliser la politique monétaire. Le Canada devrait se joindre à ce groupe en seconde moitié de 2010.

Au sein du triumvirat États-Unis-Europe-Japon, la normalisation monétaire tardera. L'économie américaine semble toutefois en meilleure position, ce qui laisse présager que la Réserve fédérale déclenchera sa «stratégie de sortie» avant ses contreparties européenne et japonaise. La Banque centrale européenne aura notamment à négocier avec une reprise anémique, à laquelle s'ajoutent les incertitudes liées aux problèmes de crédit des pays de la Méditerranée.

L'impact de cette désynchronisation se fait déjà sentir sur le marché des devises et des commodités. Depuis la fin novembre 2009, le dollar américain gagne du terrain face à l'euro (+10%) et au yen (+3%), tandis que le dollar canadien est resté relativement stable. Contrairement à l'environnement du début de 2009 qui nuisait au billet vert, le retard que prendront l'Europe et le Japon face à la Réserve fédérale pourrait lui offrir un sursis. Le huard devrait quant à lui rester fort face à la devise américaine.

L'ascension du prix des commodités, qui fluctue en général de façon inverse au dollar américain, est freinée par cette désynchronisation. Depuis leurs derniers sommets, les prix de l'or, du cuivre et du pétrole sont en baisse de 10%, 8% et 6% respectivement. La reprise boursière, qui carburait également au déclin du dollar américain, s'est également estompée depuis l'automne dernier.

Sur le plan fiscal, le retour à la discipline budgétaire ne se fera pas sans heurts puisque l'injection massive d'argent public a gravement mis en péril les finances des pays développés. Si les signes de relance se poursuivent, les gouvernements devront s'attaquer à la situation.

L'histoire nous démontre malheureusement que la discipline budgétaire doit être imposée par le marché (décote, hausse des primes de risque) avant que les gouvernements ne réagissent. Pour la Grèce, l'heure a déjà sonné. Souhaitons-nous que nos gouvernements se penchent sur la situation promptement avant que des plans d'austérité ne nous soient imposés par le marché.

La fin de la synchronisation amènera plus de volatilité et freinera la reprise boursière entamée au printemps 2009. Les politiques monétaire et fiscale d'urgence adoptées en 2009 auront certes permis de limiter la gravité et la durée la récession mondiale, mais le retour à la normale (PIB, taux d'intérêt, finances publiques) exigera plusieurs années de sacrifices.