Poussière, bruit et toujours le même train d'enfer, voilà la réalité de Kandahar. Rien ne change au fil des mois, des années, seulement les gens. Ainsi vont les rotations, de nouvelles vagues de Canadiens viennent successivement prendre paillasse sur le camp. Tantôt, ces gens ordinaires arpentaient les rues de leur patelin. Aujourd'hui, en cette période de Noël, ils se retrouvent en cette terre éloignée. Des gens simples, comme vous et moi.

En regardant l'horizon, on ne peut rester insensible à ce paysage de montagnes majestueuses où se joue le conflit dans lequel nous sommes plongés. Notre espoir de jours meilleurs est ravivé par le panorama imprenable du soleil qui s'attarde sur les flancs rocailleux de cette région aride. L'Afghanistan demeure tout de même un pays magnifique malgré des années de destruction et de calamité. Des paysages à couper le souffle avec comme toile de fond un ciel tapissé d'étoiles, comme on en voit seulement dans les contes d'enfants.

 

Les journées passent vite, heureusement. Mais à la période des Fêtes, la morosité et la mélancolie nous envahissent. Personne ne s'en plaint vraiment. On ignore, on regarde ailleurs les yeux embrouillés, on entasse ça en-dedans...bref, la vie suit son cours. En cette saison, l'arrivée massive des colis en provenance du Canada allège le fardeau de passer les Fêtes si loin des siens et dans un endroit si désolant. Après des mois en théâtre opérationnel, la lourdeur du quotidien réclame son dû et la poursuite de la mission n'est qu'un objectif lointain que l'on accepte sans broncher.

Avec des journées de plus de 16 heures, l'heure du coucher est toujours la bienvenue. On intègre sa tente sans tambour ni trompette pour retrouver le plaisir de se laisser bercer dans les bras de Morphée. Le sommeil vient rapidement, gêné seulement par l'odeur constante du diesel ou des excréments provenant de la mare avoisinante. Tous les soirs, immanquablement, c'est l'un ou l'autre au gré du vent.

Le bruit, toujours le bruit. Et puis on s'y habitue à un tel point qu'on l'ignore. On ne se dresse pas devant une machine de guerre et un arsenal d'une telle envergure, en perpétuel mouvement et sans répit. L'aéroport que nous occupons est, selon les observateurs, le plus achalandé au monde. Les opérations aériennes sont continuelles, de nuit comme de jour, pas même interrompues lors des attaques à la roquette qui hantent nos nuits. Avec tout ce vacarme, les nuits sont courtes et toujours cette crainte qu'une roquette vous tombe sur la tête. Bof! Personne n'en parle tout haut et on évite le sujet bien que lorsqu'une de ces saloperies s'est faufilée jusqu'à nous, ça fait drôlement les manchettes le lendemain.

Au milieu de ce cafard et de ces tiraillements d'adultes, sous les multitudes de tentes qui s'étendent jusqu'à l'horizon, se sont endormis vos Canadiens qui, pour s'accrocher à leurs traditions d'antan ont décoré leur tente avec des lumières rouges et des sapins improvisés. Il ne manque que la neige... et les siens. Combien de ces chers Canadiens, ivres de sommeil et empreints de nostalgie, tenteront de s'évader cette nuit avec la chasse-galerie? Si seulement Honoré Beaugrand ou le peintre Henri Julien avaient imaginé une embarcation un peu plus grande, on pourrait tous aller fêter le réveillon avec vous!

Et comme disait Tex dans une de ses chansons: «Joyeux Noël tout le monde!»