Chaque semaine nous apporte une nouvelle loi ou un nouveau règlement. La prise en charge publique des multiples dangers affligeant notre société ne cesse de s'étendre: la malbouffe, les piscines, les arnaqueurs financiers, etc. L'État, notre protecteur, est partout.

Les derniers jours n'auront pas fait exception. Nos gouvernements poursuivent leur croisade contre les automobilistes. Après le cellulaire, les pneus d'hiver, les radars photo, nous voilà maintenant avec le 0,05 et des vitesses réduites à 30 km/h dans les rues.

 

De nos jours, la mécanique de l'intervention publique est facile à reconstituer. Ça commence par un incident, une statistique ou un fait divers. On confie alors à un organisme, un comité ou une table de concertation le mandat de nous protéger contre ce risque. Cet organisme élabore alors une série de recommandations débutant par la prévention et se terminant par le contrôle et la répression. Des recommandations que nos gouvernements appliqueront au fil du temps - et à des moments opportuns - pour faire diversion et éviter des enjeux politiques plus importants.

En réalité, nous vivons dans une société où l'État, au nom de la vertu, réussit à nous infantiliser; à gérer notre vie sous prétexte de nous protéger. Le citoyen est à ses yeux un être immature et irresponsable qu'il faut protéger contre lui-même. Ce paternalisme repose sur l'idée qu'un contrôle des citoyens se justifie du seul fait qu'il existe quelque part un risque qu'il faut minimiser. En somme, nous vivons dans une grande garderie.

De nos jours, plus personne n'est responsable. Votre enfant est obèse? C'est la faute du casse-croûte de l'aréna ou de la publicité de chaînes de restauration rapide. Vous frappez un piéton? Votre responsabilité se limite à avoir en votre possession un permis de conduire et un certificat d'enregistrement valide, des pneus d'hiver avant le 15 décembre, une ceinture de sécurité attachée, une oreillette pour votre cellulaire et à ne pas excéder le 0,05 gramme d'alcool par litre de sang. Peu importe, il pourrait arriver que la SAAQ vous indemnise davantage que votre victime. Ça s'appelle le «no fault».

On vit maintenant dans une société dominée par la déresponsabilisation collective. Une société qui repose sur une surprotection des citoyens plutôt que sur sa responsabilisation. Une société où ce n'est jamais la faute de l'individu, mais celle du gouvernement qui ne l'a pas protégé. Une société qui dénie toute responsabilité à l'être humain.

Si on a vraiment à coeur le développement sécuritaire de la société, ce n'est pas en alourdissant l'appareil bureaucratique et en renforçant l'arbitraire politique par le déploiement de l'arsenal réglementaire qu'on y parviendra. C'est en obligeant les citoyens à assumer les conséquences de leurs actes.

Aussi, plutôt que chercher à nous dicter constamment ce qu'il faut faire, le rôle de l'État devrait se limiter à améliorer l'application des lois en matière de responsabilité et à mettre en place un système judiciaire rapide, efficace et juste.

Aucun individu n'a besoin de se faire dicter le bien et le mal lorsqu'on applique la vraie responsabilité, celle qui repose essentiellement sur l'obligation d'assumer les conséquences de ses propres décisions ou de réparer les dommages économiques, sociaux ou environnementaux qu'il crée. Si la vraie responsabilité n'empêche ni les erreurs, ni les abus ce que de toute façon l'État ne peut prévenir elle nous offre toutefois l'assurance de vivre dans un monde d'adultes.