L'auteur est lieutenant-colonel à la retraite, analyste militaire et chercheur associé au sein du Groupe d'étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI). Il a récemment fait un bref séjour en Afghanistan.

À qui profitent les allégations de mauvais traitements à l'égard des détenus transférés par le Canada aux autorités afghanes?

Peu importe les fondements de ces allégations sur les manquements par les autorités canadiennes, il faut nous assurer que les pratiques canadiennes sont conformes à nos lois et aux conventions internationales. Ce qui m'indigne dans cette polémique, c'est qu'on exploite la situation à des fins politiques au lieu de se pencher sur le sort réel de détenus.

 

Avons-nous déjà oublié qu'en 2002, les troupes canadiennes remettaient leurs détenus afghans aux autorités américaines, dont certains se sont sans doute retrouvés à Guantanamo? Ne savions-nous pas, dès notre arrivée, que le système judiciaire afghan était soit inexistant dans certains secteurs, soit totalement corrompu? Faut-il aussi rappeler à nos élus leurs débats houleux en 2006 et 2007 sur les mêmes allégations?

Des enquêtes militaires ont été ordonnées afin de valider les procédures mises en place et d'investiguer des cas précis de mauvais traitement et de manquements à nos obligations. On a même contesté la validité de l'entente de 2005 entre les autorités afghanes et le chef d'État major de l'époque. D'ailleurs, elle a été réécrite à l'été 2007, cette fois par le ministère des Affaires étrangères, afin de permettre un meilleur suivi des détenus capturés par le Canada. N'oublions pas aussi que l'année 2006 a été la plus meurtrière pour le Canada avec 36 pertes de vie militaires; nous étions en guerre.

Messieurs les députés, relisez vos propres archives!

Pourquoi ce débat maintenant? Nos vraies inquiétudes ne devraient-elles pas concerner le sort actuel des détenus afghans, si l'on tient réellement à garantir leurs droits? Pourquoi ne pas vérifier les circonstances entourant les protocoles mis en place depuis 2002 et les mécanismes élaborés pour prévenir les abus à l'avenir? Nous serions ainsi en mesure de juger de la compétence de nos représentants et de critiquer leur laxisme, en comparant nos actions avec celles des autres membres de la coalition.

De plus, ne serait-il pas approprié de vérifier si des procès ont été faits à ces détenus, certains étant accusés de meurtres et d'actes terroristes contre leur population et nos militaires?

Les Services correctionnels du Canada sont présents à Kandahar et leur présence est un des mécanismes instaurés afin de garantir le suivi et le bon traitement des détenus à la prison de Sarpoza. Les représentants de Services correctionnels du Canada offrent un programme de monitorat et d'entraînement auprès des gardiens de prison locaux, programme qui profite à l'ensemble de la population carcérale. Ils ont aussi contribué au réaménagement du pénitencier de Sarpoza, selon les standards internationaux, suivant l'évasion spectaculaire de 2008.

Pourquoi une enquête publique en 2009? Pourquoi ne pas l'avoir exigée il y a deux ans, alors que la situation était chaudement débattue ? Ces énergies et cet argent ne seraient-ils pas plus utiles si on les investissait dans la prévention d'autres crimes de ce genre en Afghanistan, surtout ceux envers les droits des enfants et des femmes, où il reste énormément de progrès à faire?

Messieurs les politiciens, que cherchez-vous donc à faire, qui profite de cette chasse aux sorcières? Une certaine classe politique, diverses ONG qui prétendent que la guerre en Afghanistan est illégale! Qui paiera la facture? Les citoyens en assumeront les frais, l'image du gouvernement sera ternie, le professionnalisme de nos fonctionnaires sera mis en doute, l'appui à nos militaires décroîtra encore et, de nouveau, le Canada s'autoflagellera sur la place publique.

À ce rythme, il deviendra bientôt difficile d'aider des peuples en besoin, sous peine de commettre des crimes par association ou par omission.