La mission planétaire de Guy Laliberté a certainement servi à son épanouissement personnel mais quant au reste, ce fut un flop, un pétard mouillé monumental, à la mesure de la mégalomanie qui l'avait inspirée.

Aucun retentissement international, un articulet ici et là... Partout ailleurs qu'au Québec, où l'on a loyalement suivi le périple du fils de la nation, M. Laliberté n'aura été qu'un touriste spatial, la septième personne à avoir assez d'argent et une assez bonne constitution physique pour s'offrir cette croisière de luxe.

La fondation Une goutte (d'eau) ressort de cette affaire aussi peu connue qu'auparavant. Et les spectateurs de l'étranger qui ont pu faire le lien entre le spectacle, la fondation et l'étrange pitre qui s'agitait dans la navette spatiale ont dû se demander pourquoi ce mécène se croyait obligé de se ridiculiser avec un nez de clown.

Ce n'est pas le spectacle «interplanétaire» qui aura sauvé la mise.

«Son show multimedia ressemblait à un croisement entre Les Oraliens, un spectacle de fin d'année de la troupe de ballet jazz de Repentigny et un diaporama de l'Association des amis de la Terre (d'une) école secondaire de Rouyn-Noranda.» (Richard Martineau).

«Un show écolo sirupeux au vernis humanitaire...» (Marc Cassivi).

Il en coûte environ 50 cents pour guérir un enfant des vers intestinaux - une affliction qui tue 130 000 Africains par année. Combien y a-t-il de 50 cents dans les millions qu'a coûté ce spectacle? Mais bien sûr, le thème de l'eau, c'est plus noble, plus porteur en termes de show, que ces vulgaires phénomènes que sont les vers intestinaux, le paludisme ou les conséquences effroyables de la pénurie d'installations sanitaires dans une très grande partie du monde.

Il serait oiseux de soulever cette question si M. Laliberté s'était contenté de prendre son pied dans l'espace sans poser au sauveur de la planète.

Que fait sa fondation, concrètement, depuis sa création en 2007? M. Laliberté s'est engagé à la doter, pour ses frais d'exploitation, de 100 millions US sur une période de 25 ans (cela fait 4 millions par année), les activités de terrain devant être financées par les employés du Cirque (sic), le public et divers partenaires comme Oxfam et RBC. J'ai navigué sur les sites de la Fondation. Il y est beaucoup question du Cirque du Soleil et surtout de Guy Laliberté lui-même et de sa mission «sociale et poétique» dans l'espace. Peu d'informations concrètes. Aucune trace de projets en Afrique ou en Asie du Sud-Ouest. En cherchant bien, on apprend que des projets d'accès à l'eau potable sont en cours au Honduras et au Nicaragua, ce dernier projet ayant un budget de 4,5 millionsCAN.

Quant au reste, l'internaute en quête d'information nage dans la sémantique nouvelle-âgeuse et les exhortations à la vertu. On veut vous «conscientiser», on vous encourage à manger végétarien, à vous «impliquer dans votre communauté», à renoncer à l'eau embouteillée... recommandation assez piquante, quand on se rappelle que le show O, à Las Vegas, se déroulait dans un bassin de 1,5 million de gallons d'eau!

Le Québec francophone a une très courte tradition de mécénat, mais ses quelques grands mécènes - les Coutu, les Chagnon, les Desmarais, etc. - s'abstiennent, à l'image des Gates et des Buffett, de se mettre en vedette autrement qu'en faisant graver leur nom sur un édifice ou dans l'intitulé d'un programme. Paul Desmarais a même eu l'élégance de baptiser du nom de son père (Jean-Noël) plutôt que du sien, le pavillon du Musée des beaux-arts dont il a financé la construction. Rien à voir avec le narcissisme philanthropique de M. Laliberté.