Les économistes ont bon dos par les temps qui courent. On leur demande d'ausculter l'économie, d'établir un diagnostic et de faire des pronostics, puis, on s'amuse à les prendre en défaut sur l'exactitude de leurs prévisions.

Autre paradoxe, les divergences de vue font l'objet de plaisanteries. On dit souvent que «même les économistes ne s'entendent pas entre eux», alors que lorsqu'il y a unanimité, on les accuse de manquer d'imagination! Peu importe la position adoptée, elle ne semble jamais convenir. Cependant, malgré le scepticisme, on continue à faire appel à eux.

Dans le tumulte des avis économiques qui se sont multipliés depuis deux ans, on a souvent fait écho aux points de vue extrêmes de ceux qui cédaient à la panique. Toutefois, ces opinions ne reposaient pas toujours sur des assises solides. Il faut bien davantage qu'une donnée mensuelle pour bâtir une analyse. La grande volatilité des indicateurs économiques impose une certaine retenue dans les commentaires. Il faut travailler avec les tendances sur plusieurs mois puisque l'expérience révèle que chaque jour amène son lot de nouvelles observations et d'apparentes contradictions.

Par ailleurs, certains considèrent les marchés financiers, notamment la Bourse, comme le miroir parfait de l'évolution de l'économie, ce qui n'est pas le cas. Cela contribue à embrouiller le public.

Parmi la panoplie de données disponibles pour décrypter l'économie et appuyer les prévisions, nombre d'entre elles sont, plus souvent qu'autrement, des estimations qui seront révisées, parfois de façon importante. L'économie n'est pas une science exacte. Elle n'offre pas la certitude des lois de la physique ou de la chimie; elle s'appuie sur des comportements humains. L'économiste présume qu'en fonction d'un événement donné, le comportement des acteurs économiques sera rationnel. Dans les faits, cependant, il faut avouer que les humains sont parfois déroutants.

En ce qui a trait à la dernière récession, les modèles de prévisions économiques n'auraient pu prédire avec précision le moment et, surtout, l'ampleur de la débâcle puisque aucun d'entre eux n'inclut de variables sur la qualité des produits financiers, tels les plus récents montages structurés. Les problèmes sont venus de la gestion interne des institutions financières, en particulier aux États-Unis et en Europe de l'Ouest.

En fait, une conjonction de phénomènes microéconomiques peu rationnels, de très forte intensité, liés à des secteurs névralgiques comme ceux de l'habitation et de la finance, a eu des effets macroéconomiques importants, ce qui est plutôt rarissime. La perte de confiance dans le système financier a créé une crise de liquidités. Elle a, à son tour, paralysé l'octroi du crédit et entraîné la chute de certains secteurs économiques. Celui de l'automobile est l'exemple le plus évident: sa vulnérabilité structurelle a été exacerbée par une conjoncture économique difficile, ce qui l'a précipité vers l'abîme.

Enfin, la profession d'économiste ne dispose pas d'un champ d'exercice protégé par un ordre professionnel. Certains se drapent du titre et exposent leurs vues à qui le leur demande, ce qui n'est pas sans engendrer une certaine confusion dans les messages véhiculés. Toutefois, la diversité des idées a du bon, dans la mesure où ces dernières s'appuient sur des analyses rigoureuses.

Faut-il croire les économistes? À vous de voir! Ils n'ont pas la prétention d'être infaillibles et encore moins de s'arroger le droit de décider à votre place, cependant, ils disposent de nombreux outils pour décoder l'économie. En somme, leur mandat est de comprendre les phénomènes économiques pour mieux les expliquer, ce qui en facilite d'autant votre prise de décision.