Jeune, mes parents me disaient, lorsqu'un nouvel enfant naissait - nous étions 13 à la table -, que Dieu leur avait envoyé un autre fils, une autre fille et qu'ils étaient bien contents de recevoir ce cadeau venant directement du ciel. La vie venait de Dieu et personne ne songeait à l'interrompre.

La famille se réjouissait de voir arriver une nouvelle figure au milieu d'une marmaille déjà nombreuse. Il n'y avait pas de technique pour empêcher un enfant de commencer sa croissance dans le sein de la mère. Il y en avait encore moins pour l'extirper avant qu'il lance ses premiers cris, le moment de la naissance venue.

 

Jadis, la vie était un don. Maintenant, la vie est un choix. Un choix pris par d'autres, alors que l'intéressé, lié à ce droit des autres, n'a aucune possibilité de dire s'il est d'accord ou pas avec le choix pris en son absence.

Chaque année, depuis 1980, environ 30 000 enfants ne naissent pas à cause du choix que quelqu'un fait à leur place. Près d'un million d'enfants n'ont pas vu le jour au Québec, depuis une trentaine d'années, parce que des personnes ont décidé qu'ils ne verraient tout simplement pas le jour. Pour un petit peuple comme le nôtre, ce nombre d'interruption de grossesses a déstabilisé drôlement l'équilibre démographique du Québec.

Du point de vue légal, l'article 223 du Code criminel affirme qu'un enfant devient un être humain au sens précis de la loi lorsqu'il est complètement sorti, vivant, du sein de sa mère. Sorti jusqu'au nombril, il n'est pas juridiquement un être humain. Le Canada est un des rares pays au monde à ne pas avoir de loi pour encadrer la pratique de l'avortement. Le politicien qui oserait en faire une perdrait assurément ses élections!

Jeune, mes parents me disaient, lorsqu'une personne mourait, que le bon Dieu était venu la chercher et qu'il fallait se soumettre à sa volonté. Les gens mouraient habituellement à la maison familiale, dans la dignité, entourés de leurs proches. Personne ne songeait à abréger les jours de quelqu'un et il aurait été indigne, voire criminel de le faire ou de songer à le faire. Les analgésiques ou autres médicaments pour soulager la souffrance n'existaient peu ou pas. Chaque malade offrait ses souffrances pour son salut éternel.

Le débat entourant l'euthanasie devrait reprendre à l'automne 2009. Le projet de loi C-384 légalisant l'euthanasie et le suicide assisté «pour toute personne de 18 ans ou plus éprouvant une souffrance mentale ou physique qu'elle juge insupportable» sera débattu à la Chambre des communes. Selon moi, cette question est trop grave pour être mise entre les mains des politiciens. La question devrait être tranchée par voie référendaire. Elle ne le sera sans doute pas. Comme celui de l'avortement. Les politiciens ne veulent pas faire réfléchir les citoyens sur la vie et la mort. Ils sont trop préoccupés à se faire réélire.

Techniquement, il est possible d'éliminer les malades qui le souhaitent et qui ne veulent plus être à la charge de personne. Le testament biologique autorise médecins et proches à ne pas tenter de réanimer un patient. L'euthanasie passive et active prend lentement place dans les moeurs et certains pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, autorisent les proches d'un malade à aider un malade à mettre fin à ses jours.

La vie est limitée maintenant par le choix des autres. Elle est menacée à son départ comme à son terme.

Ce monde, accroché uniquement aux plaisirs et à la satisfaction du moment, ne souffre plus que quelqu'un vienne briser ses plans de carrière. Avant de naître ou de mourir, l'être en construction, en perte d'autonomie ou en phase terminale pose problème à celui qui se croit en santé.

Que faire pour redonner le sens du respect de la vie, tant à ses débuts qu'à son terme? Retrouver un minimum de sens. Car c'est le sens qui donne à la vie à venir et à la vie qui se termine, toute sa signification. Si ce n'est plus cela, chacun peut être autorisé à faire n'importe quoi avec la vie de l'autre.

Nestor Turcotte

L'auteur réside à Matane et est philosophe.