Alors que le monde entier se tourne encore une fois vers les ressources de l'Arctique, les décisions de notre gouvernement ne sont pas sans affecter les Inuits.

La banquise du passage du Nord-Ouest se morcelle et le Canada est appelé à défendre sa souveraineté sur ce célèbre passage. Comme le savent les Inuits, la banquise, y compris les glaces de rive qui recouvrent en grande partie le passage, a procuré à plusieurs générations une plateforme stable pour la pratique de la chasse, un élément essentiel de notre culture. Ces glaces sont aussi notre meilleure défense contre les navires cherchant une voie plus rapide.

 

Le ralentissement du phénomène des changements climatiques serait la meilleure solution à long terme pour renforcer la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Mais au lieu de s'attaquer vigoureusement au problème des changements climatiques et de faire preuve de leadership international sur la question, le Canada a décidé que la meilleure façon de défendre sa souveraineté contre les navires qui franchissent le passage, c'était de faire appel aux militaires et à une nouvelle flotte de brise-glaces armés.

Désormais, le Canada, un pays où règne la paix, «défendra» l'Arctique. Nous nous donnerons des airs et menacerons même les navires qui tenteront de se faufiler librement entre nos îles.

Le Canada devrait prendre une autre approche - une approche plus humaine fondée sur des principes. Comme le préconise mon bon ami Lloyd Axworthy, un grand Canadien, et comme je l'ai déjà suggéré, le Canada devrait faire preuve de leadership et adopter une approche axée sur la paix et sur la gestion coopérative de l'Arctique, peut-être par l'entremise de nouvelles institutions multilatérales ou par un plus grand rôle à être confié au Conseil de l'Arctique.

Je crois que nous devons déployer de grands efforts afin d'éviter de créer une autre région où pourraient s'établir des relations tendues entre les pays, imbues de peur et de conflits. L'Arctique est l'un des derniers lieux au monde où règne la paix dans un environnement d'une grande pureté. Nous devons tous nous rendre compte que des communautés humaines florissantes auront une voix plus forte que toutes les flottes de brise-glaces et que toutes les casernes remplies de soldats pour assurer notre souveraineté dans l'Arctique. (...)

Prenant conscience de l'importance de l'Arctique pour la planète tout entière et du rôle historique d'intendants environnementaux des peuples autochtones dans les écosystèmes de l'Arctique, il faut songer à élaborer un traité sur l'Arctique qui donnerait aux peuples autochtones une fonction d'intendance environnementale de l'Arctique pour le bien de l'humanité, et ce, avec un modèle de cogestion. (...)

Je ne propose pas de freiner le développement économique dans l'Arctique ou ailleurs dans le monde. Plutôt, nous devons reprendre un contrôle véritable sur le développement en insistant pour que chaque occasion, chaque programme soit analysé systématiquement selon ses impacts: les émissions de gaz à effet de serre, les cycles non renouvelables qu'ils pourraient entraîner et les effets à long terme sur notre paysage fragile et sur la santé de nos gens.

Lorsque nous prenons des décisions en matière de notre développement, nous devrions toujours considérer toutes les incidences de nos actions, non seulement pour nous-mêmes et pour les générations futures, mais pour tous ceux aussi auxquels nous sommes unis, que ce soit par la voie de l'eau ou par la voix des airs.

L'auteure a été candidate au prix Nobel de la paix 2007 et présidente internationale du Conseil circumpolaire inuit. Ce texte est extrait de la 9e Conférence LaFontaine-Baldwin, qu'elle a prononcée vendredi à Iqaluit. La Conférence LaFontaine-Baldwin, présidée par John Ralston Saul, est un partenariat de l'Institut de la citoyenneté canadienne et de l'Institut du Dominion.