Le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a fait depuis quelques semaines de nombreuses déclarations exprimant que l'assurance emploi était l'une de ses priorités.

Dans le contexte économique que nous connaissons, et face à un gouvernement conservateur manifestement fermé à toute amélioration réelle de l'accès à ce régime, l'expression du chef libéral pourrait-elle représenter une volonté de changement?

 

Le Parti libéral acceptera-t-il de participer à la solution de problèmes qu'il a lui-même contribué à créer? C'est en effet sous la houlette libérale des années 1990 et 2000 que la couverture du régime d'assurance emploi, soit le nombre de chômeurs protégés, a dramatiquement diminué, pour tomber en dessous de 50%. Sous sa houlette aussi que la période de prestations et le taux accordé avaient sérieusement diminué. Sous sa houlette encore que la caisse d'assurance emploi s'est mise à faire des surplus astronomiques qui ont été détournés de leur objectif initial, soit de protéger les travailleurs en situation de chômage.

Nous avons, groupes de chômeurs, centrales syndicales, mouvements sociaux, fait entendre nos voix. Nous n'avons eu de cesse, depuis toutes ces années (1996), de dénoncer ces coupes et de réclamer un régime d'assurance emploi qui soit à la hauteur des besoins.

Nous avons aussi compris, il y a quelques années, qu'il nous fallait chercher un certain consensus, à tout le moins une majorité certaine. C'est pourquoi, après les élections de 2006, nous avons commencé à créer des liens avec certains députés libéraux fédéraux qui disaient soutenir nos revendications. Pendant un an, nous avons ainsi coordonné une coalition qui réunissait les centrales syndicales, mais aussi les trois partis politiques de l'opposition à Ottawa, afin de favoriser l'avancement d'un projet de loi visant à améliorer l'assurance emploi. Chaque fois que venait le temps de se compromettre sur la place publique, les libéraux, contrairement au Bloc québécois et au NPD, se défilaient. La chaise restait vide.

Depuis la mi-février, on nous dit de l'intérieur que le Parti libéral adopterait de nouvelles positions en matière d'assurance emploi, de façon à en faciliter l'accès pour les travailleurs en chômage. Pourtant, nous n'entendons de la part de Michael Ignatieff que des déclarations vagues, généreuses bien sûr, mais vagues surtout.

Et nous avons en mémoire tous ces appuis libéraux entre 1989 et 1993 pour s'opposer aux politiques conservatrices en matière d'assurance emploi à cette époque. Promesses brisées, promesses rompues.

Par souci de justice et de vérité, nous demandons au chef libéral de se compromettre publiquement avec des positions claires, précises, simples pour améliorer l'assurance emploi.

M. Ignatieff, entendez-vous cette clameur qui se lève, cette clameur trop souvent faite de désespérance? Voyez-vous, comme nous, cette perte nette de 129 000 emplois en janvier dernier, et de 83 000 en février? Savez-vous que nombre de travailleurs qui perdent leur emploi n'auront pas droit aux prestations d'assurance emploi parce qu'ils n'ont pas d'heures de travail accumulées?

M. Ignatieff, nous n'avons qu'une partisanerie, celle du droit des travailleurs d'être protégés par un régime d'assurance emploi auquel ils ont cotisé, régime qui se suffit à lui-même, d'ailleurs, par les seules cotisations des travailleurs et des employeurs.

Depuis un peu plus de deux ans, nous avons tendu la main aux libéraux, avec l'idée, peut-être insensée, que vous sauriez faire preuve de courage, et réparer ce que vous avez brisé. Aurez-vous ce courage, M. Ignatieff? Pour le moment, nous maintenons notre main tendue. Mais l'histoire est là, elle nous parle, et cette main pourrait bien se refermer s'il nous fallait constater que les vagues déclarations ne sont que la représentation d'une stratégie visant à gagner du temps.

L'auteur est porte-parole du Conseil national des chômeurs (CNC).