Il y a quelques jours, la Cour pénale internationale a accusé le président soudanais Omar el-Béchir de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. À la suite de ces accusations, ce dernier a juré qu'il ne capitulerait pas devant les colonialistes occidentaux. De plus, il a expulsé 13 organismes d'aide humanitaire du Darfour, y compris des équipes de Médecins sans frontières (MSF).

Comme si cela ne suffisait pas, il nous a faussement accusés de collaborer avec la Cour pénale internationale et a révoqué les licences du pays qui nous sont nécessaires pour exercer des activités médicales dans certaines parties du Darfour.

 

Il est absurde de penser qu'une organisation comme MSF pourrait collaborer avec la Cour pénale internationale. Nous ne pouvons tout simplement pas nous engager dans des processus judiciaires tout en offrant simultanément des soins médicaux dans des secteurs où les auteurs de crimes de guerre règnent en toute impunité. Que cela nous plaise ou non, nous n'avons pas d'autre choix que de nous distancier des batailles juridiques. Nous devons nous consacrer uniquement à apporter une aide humanitaire. Notre sécurité en dépend, tout comme la vie de nos patients.

Malgré notre orientation strictement médicale, il y a quelques mois, le gouvernement du Soudan a forcé MSF à mettre fin à son programme de consultations en santé mentale au Sud Darfour par crainte que nous puissions signaler à la Cour pénale internationale des éléments de preuve relatifs à de crimes commandités par l'État. Nos équipes ont expliqué à maintes reprises que nous n'entretenions aucun lien avec la Cour pénale internationale et ont réaffirmé notre engagement professionnel à préserver la confidentialité des patients. Les autorités ont tout de même insisté pour que nous interrompions notre intervention médicale essentielle, laquelle visait à aider les habitants des camps qui ont subi de profondes blessures psychologiques.

Depuis 2003, la population du Darfour a souffert directement et indirectement des contrecoups de la guerre. Pas moins de 2,7 millions de personnes ont été déplacées et on compte jusqu'à 300 000 décès.

Nous savons qu'une épidémie de méningite s'est déclarée dans le camp de Kalma, lequel abrite 90 000 personnes déplacées. Notre équipe a traité 25 cas et se préparait à entreprendre une campagne de vaccination en attendant que le gouvernement de Khartoum reconnaisse officiellement qu'une épidémie de méningite sévissait. Sans traitement, entre 50 à 80% de ceux qui souffrent de cette maladie mourront. C'est atterrant d'imaginer le nombre de personnes qui ne survivront pas.

Le gouvernement d'el-Béchir a brusquement mis fin aux programmes de MSF qui venaient en aide à 450 000 personnes. Les conséquences pourraient s'avérer catastrophiques. Les victimes de cette cynique tournure des événements n'auront plus accès aux soins de santé de base ni aux soins secondaires dont les soins chirurgicaux, pédiatriques, gynécologiques et obstétriques, ainsi que les vaccinations et le soutien nutritionnel.

En tant qu'organisme d'aide humanitaire, le mieux que MSF puisse faire dans une zone de conflit est d'agir sur les conséquences médicales de la guerre. Dans la mesure du possible, nous essayons simplement de sauver le plus grand nombre de vies et de soulager la souffrance, dans l'espoir de que la situation s'améliore. Toutefois, dans le cas du Soudan, ce n'était pas suffisant, et à l'heure actuelle, les Soudanais méritaient tellement plus.