Au cours des derniers mois, nous avons interpellé nos élus et la population afin de les sensibiliser à la situation des artistes et à la contribution des arts et de la culture à notre société et à notre économie. Les arguments ont en partie atteint leur cible, tant dans la population québécoise, qui appuie à plus de 70 % l'idée qu'un cent par dollar de dépenses gouvernementales devrait être investi dans les arts et la culture, que chez les gouvernements, qui ont commencé à agir.

Le gouvernement fédéral, par exemple, bien que n'ayant pas complètement répondu aux attentes en ce sens, reconnaissait explicitement dans son budget déposé il y a un mois à peine que l'industrie des arts et de la culture constitue un secteur économique clé à l'instar du secteur forestier ou des secteurs naval et aérospatial. Il s'agit là d'un point de départ incontournable : soutenir les arts et la culture, ce n'est pas dépenser, c'est investir dans l'avenir de notre économie et de notre société.

Des revenus en deçà du seuil de la pauvreté

Une étude récemment publiée par Hill Strategies, basée sur les données du recensement de Statistique Canada, met en lumière plusieurs faits troublants sur la situation économique des artistes au Canada (rien ne porte à croire que les résultats seraient significativement différents, si l'étude avait porté strictement sur les artistes du Québec) :

- Le revenu moyen des artistes est de 37 % inférieur à celui de l'ensemble de la population active (22 700 $ contre 36 300 $);

- le revenu moyen des artistes est plus élevé de 9 % seulement que le seuil de pauvreté (environ 20 000 $) et 62 % des artistes gagnent moins de 20 000 $;

- le revenu réel des artistes a diminué de 11 % entre 1990 et 2005.

La situation est pire si l'on s'intéresse seulement aux musiciens et aux chanteurs, dont plus de la moitié (53 %) sont des travailleurs autonomes sans aucune sécurité d'emploi ou de revenu : leur revenu moyen n'atteint pas 14 500 $ et est inférieur de près de 30 % au seuil de pauvreté. De plus, leur salaire réel (qui tient compte de la hausse du coût de la vie) a même diminué de 20 % depuis 2000.

Une alliance qui dérange

L'Union des artistes (UDA) et la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (Guilde) annonçaient le 23 février qu'elles coordonneraient leurs efforts dans leurs négociations qui débutent avec l'ADISQ, qui représente les producteurs dans les domaines de la musique, de la chanson et des variétés.

Cette sortie a étonné l'ADISQ qui a rappelé que le contexte économique a changé dans l'industrie et que les négociations à venir devraient en tenir compte. Il n'y a, pour le moment, rien qui ne laisse présumer d'une baisse significative de la fréquentation des salles de spectacle au Québec ou des revenus de billetterie qui en découlent.

Nous souhaitons aussi rappeler à l'ADISQ qu'en période de crise économique l'augmentation du salaire minimum représente un moyen privilégié des gouvernements pour accroître le pouvoir d'achat des travailleurs à faible revenu et stimuler l'économie. Or, les cachets des artistes sont leur principal salaire.

Alors que le salaire minimum au Québec a augmenté de plus de 30 % depuis 2000, les cachets minimums n'ont pas été augmentés, dans certains cas, depuis plus de six ans. En termes réels, en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie, cela signifie une importante diminution. Pourquoi ne pas accorder aux artistes les mêmes droits fondamentaux dont bénéficient tous les autres travailleurs ?

Nous croyons que nos demandes sont justifiées, raisonnables et certainement pas exagérées. Bien au contraire.

Luc Fortin est président de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec. Raymond Legault est président de l'Union des artistes.