Au moment où le monde entier a les yeux fixés sur la situation à Gaza, l'Inde et le Pakistan fourbissent leurs armes après l'attaque terroriste de Bombay en novembre. Là-bas, une guerre se prépare. Pourra-t-on l'éviter?

Le massacre de Bombay, où 180 personnes ont perdu la vie dans de grands hôtels de la capitale économique du pays, a provoqué une vive émotion en Inde et un grand désir de vengeance. Ce n'était pourtant pas la première fois que des terroristes islamistes originaires du Pakistan frappaient. L'attaque du parlement de New Delhi, en décembre 2001, et l'explosion simultanée de sept bombes dans des trains et des gares de Bombay, en 2006, ont secoué le pays. Chaque fois, le gouvernement indien a ouvertement ou indirectement accusé son voisin le Pakistan d'être derrière les méfaits. Chaque fois, au nom de la lutte antiterroriste et de la préservation de ses relations avec les États-Unis, l'Inde a fait preuve de modération et rejeté les appels intérieurs à frapper le Pakistan.

 

Cette fois, la réaction pourrait être différente. À quelques mois des élections générales, l'opinion publique indienne réclame une politique plus musclée, et le gouvernement exige du Pakistan qu'il prenne des mesures draconiennes afin d'éliminer à la fois les groupes extrémistes qui commettent ces attentats et le soutien qu'ils trouvent au sein de l'administration ou des forces armées.

Le Pakistan veut-il et peut-il agir contre ce terrorisme qui menace la stabilité du sous-continent indien, la mission en Afghanistan et la sécurité internationale? Répondre à cette question revient à plonger l'analyse dans les profondeurs complexes des relations indo-pakistanaises depuis 60 ans, mais aussi dans les difficiles relations qu'entretiennent les communautés religieuses.

Difficile d'être optimiste

À lire la presse anglophone des deux pays ou à écouter leurs élites, il est difficile d'être optimiste. Dans le Times of India, par exemple, le célèbre commentateur M. J. Akbar, se demande pourquoi le Pakistan est devenu synonyme de terrorisme. La réponde est simple, écrit-il. Elle trouve sa source à la genèse de la naissance des deux pays en 1948. Des idéologues musulmans ont créé de toutes pièces une théorie voulant que l'islam soit anéanti au sein d'une Inde à majorité hindoue et qu'il était donc nécessaire de lui créer un État, le Pakistan. À partir de là, écrit-il, le ver était dans la pomme. L'islam maintenant protégé, le Pakistan se devait de le défendre en Inde, de reprendre le Cachemire (sous tutelle indienne), de protéger les musulmans partout ailleurs. Une culture de haine envers l'Inde était née et est, depuis, entretenue par le gouvernement pakistanais et certains religieux.

Avec un tel bagage, comment le nouveau gouvernement pakistanais peut-il lutter contre le terrorisme? Difficile à dire, d'autant plus que les élites pakistanaises sont depuis quelque temps enfermées dans un sentiment de paranoïa par rapport à ce qui se passe autour de leur pays. Quelques jours avant l'attaque de Bombay, à la fin de novembre, le New York Times publiait un article sur les angoisses des politiciens et des militaires pakistanais concernant l'avenir de leur pays. En effet, ceux-ci estiment être victimes d'un complot indo-américain visant à démanteler leur pays, accusé depuis plusieurs années d'être le point focal du terrorisme islamiste.

À preuve, la très respectée revue militaire américaine Armed Forces Journal a publié en 2006 une carte de la région où les frontières sont redessinées au profit de l'Inde, de l'Afghanistan et de l'Iran. Pour ne pas aider les choses, après l'attaque de Bombay, un député indien a demandé à son gouvernement de financer la rébellion au Baluchistan pakistanais pour répliquer à l'appui qu'offre le Pakistan aux indépendantistes du Cachemire.

Malgré les appels au calme et la détermination des nouvelles autorités civiles pakistanaises de changer les relations avec l'Inde, l'atmosphère n'est pas bonne entre les deux pays. Trop d'histoire, trop de méfiance, trop de promesses non tenues s'interposent.

Les armées se préparent. L'Inde vient de rejeter une médiation chinoise et accuse le Pakistan de faire traîner l'enquête. Si la guerre venait à éclater entre ces deux puissances nucléaires, les conséquences seraient dramatiques. L'Afghanistan, terrain de lutte d'influence entre ces deux pays, en souffrirait, et nos 2500 soldats à Kandahar aussi. Trouver une solution à Gaza est important. Éviter la guerre dans le sous-continent indien est vital.

L'auteur (j.coulon@cerium.ca) est directeur du Réseau franco-phone de recherche sur les opérations de paix, affilié au CERIUM de l'Université de Montréal.