(...) On a longtemps dit que la droite visait la réussite de l'individu et la gauche, la réussite du groupe. Cela est à la fois exact et inexact. Car la défense, par la gauche, des droits humains et des droits de chaque travailleur, protégé par sa convention collective ou par une amélioration du Code du travail, a mis la force du groupe au service des droits individuels.

Nous sommes cependant arrivés à une nouvelle étape du développement social. Comme l'écrit le grand sociologue Alain Touraine, «désormais nous n'avons d'autre fondement que nous-mêmes: nous revendiquons le droit d'être nous-mêmes, nous avons la volonté d'être reconnus comme êtres de droits et avant tout du droit d'être nous-mêmes». C'est cet individualisme qu'expriment tous ces membres de la classe moyenne, du 450, de Québec et de la Beauce, qui cherchent des solutions ailleurs, à l'ADQ ou au PLQ. Ils jugent que les sociaux-démocrates ne se sont pas suffisamment penchés sur leur réussite à eux, leur vie à eux, se concentrant sur les besoins de la collectivité ou des seuls démunis.

 

La gauche ne peut tourner le dos à cette nouvelle réalité. Avec la fin du pouvoir religieux, le déclin de la structure familiale, la montée de la précarité de l'emploi, l'accélération des changements, chacun est plus seul que jamais et plus responsable que jamais de sa propre réussite. Mais, au chacun-pour-soi de la droite, à une culture qui pousse l'individualisme vers l'égoïsme, la gauche doit répondre: un pour tous, tous pour un! Elle doit proposer des solutions qui créent les conditions de la réussite de chacun, qui donnent à l'individu les repères et les moyens de son cheminement et qui lui permettent de vivre les «passages à vide» (licenciement, maladie) sans que ces crises deviennent des catastrophes.

La gauche efficace veut vivre au présent, tout en préparant l'avenir. Finis les «lendemains qui chantent», qu'il s'agisse du légendaire «grand soir» socialiste ou des illusoires retombées économiques positives à long terme pour les pauvres d'une augmentation des revenus à court terme des millionnaires. La création et la distribution de richesse vont de pair. Les stratégies d'augmentation de richesse doivent être conçues pour à la fois protéger les salariés et les citoyens engagés dans le changement et assurer une distribution équitable de la richesse créée.

La méthode

L'histoire humaine nous apprend que l'appât du gain personnel, la prise de responsabilités et de décisions et l'émulation sont des ressorts essentiels de l'innovation. Introduisons-les dans le secteur public, faisons des salariés et des cadres, chaque fois que c'est possible, des entrepreneurs intéressés et engagés, et voyons le résultat. Rien n'est plus néfaste, pour la qualité de nos services publics aujourd'hui, que la guerre larvée que mènent nos gouvernements contre l'État et ses employés. Moins nombreux vous serez, disent nos gouvernements récents, mieux ça ira. Ils comprennent: on nous méprise. Comment les en blâmer?

La gauche efficace croit en la créativité et en l'innovation qui découlent de la prise de responsabilités - et des gains - des salariés concernés et de leurs organisations dans le privé comme dans le public et dans l'économie sociale. Elle croit que l'investissement dans le capital humain, des années préscolaires à la vie adulte, est le meilleur levier pour favoriser des vies réussies et une économie en croissance.