L'identité du prochain président des États-Unis sera connue le 4 novembre prochain. Après huit années de pouvoir républicain sous la gouverne de George W. Bush, le bilan est particulièrement désastreux et les défis du successeur à la présidence sont colossaux.

D'un point de vue économique, le surendettement a fait plonger le pays en pleine crise financière et aucun plan de redressement ne pourrait avoir un impact majeur à courte échéance. En politique étrangère, les États-Unis vivent présentement leur « deuxième Vietnam » en Irak depuis le printemps 2003 et ils sont incapables de sortir dignement de ce bourbier. En politique intérieure, les écarts sociaux vont grandissant. Le filet de sécurité sociale est pratiquement nul, en santé notamment, et le système d'éducation élitiste favorise la reproduction de classes sociales très inégalitaires. Enfin, les taux de criminalité atteignent des sommets.

Il ne faudrait pas non plus passer sous silence le passé esclavagiste étasunien qui ressurgit lors de chaque crise identitaire. Le racisme et les écarts socioéconomiques entre Blancs et Noirs sont toujours présents, comme l'ont démontré les répercussions de l'ouragan Katrina à l'automne 2005. Il faut aussi noter les conditions de vie lamentables de milliers d'immigrants clandestins des États frontaliers du Mexique. Enfin, la répression est souvent privilégiée à la prévention comme en témoignent les taux alarmants d'emprisonnement chez les populations noires et latino-américaines.

Difficile conjoncture

Cette difficile conjoncture est celle qui attend le nouveau président des États-Unis en janvier prochain. Barack Obama est sans doute mieux placé que John McCain pour personnifier le changement par rapport à la présidence Bush. Il est clair que son parti véhicule des idées plus progressistes, pluralistes et ouvertes aux réalités de notre siècle ; qu'on pense à la lutte à la pauvreté ou aux politiques voulant contrer le réchauffement planétaire. Mais malgré cela, une bonne partie de la campagne se joue sur un tout autre terrain : celui de la morale chrétienne.

Le mariage entre politique et religion prend une place imposante aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001. Aux États-Unis, un bon président est davantage qu'un bon chef ou un bon guide ; il est par-dessus tout un bon chrétien et un bon père de famille. D'où cette importance démesurée accordée aux pratiques religieuses et à la vie familiale de chacun des candidats. Présentement, Barack Obama cherche à tirer à son avantage ce voyeurisme médiatique en convainquant qu'il personnifie mieux que McCain les bonnes valeurs de l'Amérique. Il bâtit notamment sa campagne électorale sur la mémoire de Martin Luther King et Robert Kennedy ; sur les valeurs d'espoir et de justice que ces derniers véhiculaient. En capitalisant sur cet héritage, Obama acquiert cependant un caractère presque surhumain qui viendra inévitablement lui jouer des tours. L'Amérique ne recherche pas qu'un président, elle recherche un sauveur!

Si Obama est élu en novembre, les attentes à son égard seront si énormes qu'il ne pourra que décevoir. Comment satisfaire les ambitions hégémoniques de la plus grande puissance militaire du monde quand celle-ci croule sous les dettes? Comment s'adapter aux poussées migratoires associées à la mondialisation quand un vent néoconservateur déferle sur le pays? Comment adopter des politiques de redistribution de la richesse dans un pays qui a le communisme en aversion? Comment convaincre les gens de consommer de manière plus responsable quand surconsommation est associée à prospérité?

Il faut demeurer lucide. Les États-Unis vivent une période de crise sans précédent. Aucun homme seul, aussi charismatique et compétent puisse-t-il être, ne pourrait sortir le pays de l'impasse. Le problème de l'Amérique est viscéral et touche les fondements mêmes de sa société : son mode de vie, sa consommation, sa perception de la réussite sociale. La vision d'un Barack Obama salvateur est certainement erronée. Elle n'est qu'une illusion habilement entretenue par les progressistes américains pour vaincre McCain. Prévoyons cependant un retour difficile à la réalité au lendemain des élections.

L'auteur est enseignant de sociologie au Collège Laflèche, à Trois-Rivières.