L'histoire des fromages au Québec a été une véritable farce, avouons-le. Quel gâchis! Espérons que les fromagers artisanaux s'en sortiront.

Entre-temps, une autre crise alimentaire attire encore l'attention des médias. Cette fois-ci, c'est la Chine qui est visée. De la mélamine, une substance chimique, aurait été ajoutée intentionnellement dans le lait afin d'accroître sa teneur en protéines. Depuis l'éclatement de ce terrible épisode, on a répertorié plus de 53 000 cas d'enfants intoxiqués. Évidemment, il pourrait y en avoir encore plus.

 

Ce n'est pas la première fois que certaines entreprises chinoises tentent de tromper les consommateurs. Déjà, en 2004, plusieurs personnes avaient été condamnées pour la même infraction. Mais si on considère l'ampleur de la contamination et le fait que c'est la première fois qu'un cas d'intoxication est détecté à l'extérieur de la Chine continentale, le cas actuel est nettement différent.

D'abord, il faut comprendre le contexte. Aujourd'hui, la Chine jouit d'une économie de plus en plus ouverte et plusieurs petites entreprises ont vu le jour ces dernières années. Tout en ouvrant les portes à un modèle économique qui mise davantage sur le capitalisme et l'entrepreneuriat, les Chinois éprouvent beaucoup de difficultés à suivre le rythme. C'est à travers des épisodes meurtriers comme celui qu'elle vit présentement que la Chine apprend à ses dépens qu'il y a un coût pour gérer le risque dans un système centré sur le profit. La gestion du risque dépasse considérablement l'étude des dangers et le calcul des probabilités. Au sein d'un système qui mise sur le mercantilisme, cette manière de gérer renvoie davantage à l'équité qu'à la mesure du risque. Autrement dit, elle interdit à l'État de renoncer à sa responsabilité.

Vaste pays

La Chine est un pays vaste et compliqué puisque l'on retrouve au moins une centaine de dialectes y cohabitant. Afin d'atteindre l'équilibre parfait entre la sécurité de la population et le développement économique, les autorités chinoises ont du pain sur la planche.

À tort, beaucoup de gens croient que les autorités chinoises accordent peu d'importance à la salubrité alimentaire. Pourtant, la Chine a adopté un bon nombre de règles dignes de plusieurs pays industrialisés. Le problème est que les agences chinoises peinent à appliquer des méthodes de surveillance adéquates pour protéger les consommateurs.

De surcroît, il y a deux faces à la Chine. Il y a les régions riches et les régions pauvres. Il y un clivage économique important entre les régions rurales et urbaines. Ce qui fait qu'à certains endroits, l'achat d'un litre de lait est perçu comme un véritable luxe. Lorsqu'on ajoute un peu de mélamine afin de réduire le prix au détail, le litre de lait est offert à un prix abordable. Les consommateurs sont alors bernés jusqu'à laisser des nourrissons s'empoisonner. ()

Mais puisque la Chine est considérée comme la manufacture du monde, les choses devront changer.

Et au Canada?

Ici au Canada, notre capacité à retracer les ingrédients composant les produits importés est déficiente. Bien qu'aucun cas de maladie n'ait été signalé jusqu'à maintenant, le Canada n'est pas à l'abri.

Nous l'avons d'ailleurs vécu en Ontario, l'an dernier, avec l'affaire de Menu Foods. On se souvient que cette compagnie avait dû annoncer le rappel de 60 millions de boîtes de nourriture pour chiens et chats fabriquées aux États-Unis, après la mort d'au moins 14 animaux. Source de la contamination? La mélamine.

En considérant les risques associés à l'agroterrorisme et au commerce international, l'importance de la surveillance de la qualité des produits importés au Canada outrepasse certainement celle de l'inspection zélée des produits fabriqués et vendus ici. Alors, lâchons les fromages inoffensifs du Québec et attardons-nous aux véritables risques.

Expert des questions alimentaires, l'auteur est vice-doyen aux études supérieures à la faculté d'administration de l'Université de Regina.