Sur fond de crise financière, Barack Obama remonte dans les sondages: le plus récent, commandité par le Washington Post et le réseau ABC, indique qu'il devance McCain de neuf points (52% à 43%). Le Post signale que jamais, dans la campagne de 2004, John Kerry n'avait dépassé la barre des 50%.

Cette remontée serait due au fait que 53% des Américains font davantage confiance à Obama pour faire face à la crise (par rapport à 39% en faveur de McCain).

 

Est-ce pourquoi John McCain a décidé, sans crier gare, de suspendre sa campagne et de reporter le débat qu'il devait avoir vendredi avec Obama, pour aller «se concentrer» à Washington sur la crise financière? Ce geste est bizarre. McCain n'est pas dans une position de décideur. Ne peut-il réfléchir à la crise tout en se préparant pour le débat? Y aurait-il là un signe de panique?

Mais attention, rien n'est encore gagné pour Obama.

Selon le réseau NPR (la chaîne de radio publique), les deux candidats seraient pratiquement coude à coude dans les 14 États-clés qui décideront de la victoire.

Et il y a ce qu'on appelle «l'effet Bradley». En clair, cela veut dire qu'il faudrait que les sondages accordent à Obama - et ce, sur une longue période - une avance de sept points pour qu'il ait des chances réelles de l'emporter.

Un peu comme ici, au Québec, on calcule qu'à cause des distorsions de la carte électorale, les libéraux doivent avoir une avance de six points sur le PQ pour espérer gagner les élections.

L'«effet Bradley» tient au fait qu'une partie des Américains blancs n'avoueront jamais à un sondeur qu'ils ne veulent pas d'un Noir à la présidence. Plus encore, on a constaté, lors d'élections mettant en présence un candidat noir, que même au sortir des bureaux de scrutin (les fameux «exit polls»), bien des gens prétendaient faussement avoir voté pour le candidat noir.

Dans le New York Review of Books (numéro du 25 septembre), le politologue Andrew Hacker rappelle qu'en 1982, Tom Bradley, le maire noir de Los Angeles, n'a pu être élu gouverneur de la Californie même si tous les sondages, pendant la campagne, lui prédisaient la victoire.

En 1989, les sondages créditaient David Dinkins, le candidat noir à la mairie de New York, d'une avance de 19 points sur son adversaire blanc mais Dinkins fut élu de justesse, par seulement deux points de pourcentage.

La même année, les sondages prédisaient que Douglas Wilder, candidat noir au poste de gouverneur de Virginie, l'emporterait par neuf points mais le jour du vote, il a gagné sur le fil du rasoir, avec seulement 0,5% du vote populaire de plus que son adversaire!

Sur la question explosive des programmes d'action positive (qui avantagent la minorité noire), on a constaté le même phénomène. En 2006, au Michigan, les sondages de fin de campagne prédisaient que la proposition visant à abolir les programmes d'«affirmative action» passerait de justesse, avec 51%. De fait, la proposition a passé avec une forte majorité de 58%.

Les partisans d'Obama feraient bien de ne pas trop faire état des sondages qui montrent que le reste du monde penche très fortement en faveur de leur candidat, comme le confirmait cette semaine un sondage Léger Marketing effectué dans 14 pays en collaboration avec diverses organisations de recherche en marketing. Obama récolte 82% d'appuis en France, 70% au Canada, et de belles majorités partout ailleurs sauf en Russie.

Hélas! ce sont des appuis parfaitement contre-productifs, qui lui nuiront auprès de l'électorat de la classe basse-moyenne blanche - précisément l'électorat qui lui est hostile ou qui ne lui est pas acquis mais dont il a absolument besoin pour gagner.

Ces Américains-là ont le réflexe isolationniste, la plupart ne sont jamais allés à l'étranger, ils trouvent les gens cosmopolites «élitistes» (l'insulte suprême), et ils détestent par-dessus tout que le reste du monde ait l'air de leur dire comment voter. Quand Obama a été acclamé par une foule à Berlin et est allé se faire voir à Paris, cela n'a pas eu l'once d'un impact positif sur sa campagne au contraire. Prudence, donc