Le mouvement de révolte qui secoue l'Égypte a fait bondir de 7$ en deux jours le prix du baril de pétrole. Environ 3% du brut mondial (trois millions de barils par jour) transite par le canal de Suez. Si la situation devait s'aggraver en Égypte, craignez-vous une flambée des prix de l'essence? Êtes-vous résigné à devoir éventuellement payer plus de 1,50$ le litre à la pompe?

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Le yoyo pétrolier

Toutes les raisons sont bonnes pour inventer une crise du pétrole et provoquer une flambée du coût du carburant à la pompe. Il va de soi qu'à long terme plusieurs événements historiques permettent d'expliquer en partie l'évolution des prix. Tout d'abord, dans les années 70, la guerre entre la Syrie, l'Égypte et Israël a créé un choc pétrolier qui influença le cours du pétrole. Dans ces mêmes années, la guerre entre l'Iran et l'Irak joua aussi fortement sur la hausse vertigineuse des prix des carburants. Dans les années 80 le prix du baril tomba en chute libre cependant remonta aussi rapidement à la suite du boom économique des États-Unis et en Asie au milieu des années 90. Toutefois, la crise financière asiatique de 1997 mit un terme brutal à la baisse des prix. Les pétrolières jouent au yoyo avec les prix et nous payons trop cher pour le carburant, car les profits de l'industrie pétrolière canadienne devraient bondir de 66% en 2011, pour atteindre 8 milliards de dollars. De plus, le dernier rapport du Conference Board avance que les profits des compagnies atteindront le niveau record de 22 milliards en 2014. Il ne faut pas oublier que le bureau de la concurrence avait condamné 11 entreprises pour avoir participé à un cartel de stations de services en augmentant indûment le prix du litre d'essence à la pompe. Certaines compagnies portent des bannières très connues au Québec (Pétro-Canada, Shell, Esso, Olco, Irving et Ultramar) et quelques une ont plaidé coupables assez rapidement afin de mettre fin à l'enquête.

Jocelyn Boily, Québec

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Toujours perdants

Comme les économies nord-américaines sont basées sur le transport, peu importe le mode de transport, ceux qui contrôlent les prix le savent très bien et ils cherchent toujours des prétextes pour augmenter fortement les prix du pétrole. Quand ils n'ont pas de prétexte, ils l'augmentent petit à petit. Ceux qui paient sont ceux qui n'ont pas le choix. Pour nous au Québec, le prix plancher va encore augmenter. Oui, l'ascenseur qui ne descend jamais, sous prétexte de protéger les petits détaillants. Même si le prix du baril descend à 1$, au Québec le prix du litre ne tombera jamais en bas de ce plancher. Voilà comment on fait pour protéger les bonis des hauts fonctionnaires et les profits des pétrolières qui rigolent de plaisir à voir ce qui se passe au Québec.

Jean-Pierre Marchand, Montréal

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Pour les milliardaires

La production mondiale de pétrole répond largement à la demande. L'augmentation des prix n'est que spéculative. Encore quelques milliardaires qui vont s'en mettre plein les poches.

Donald Pilote, Alma

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Tout est arrangé

Pourquoi craindre une remontée spectaculaire du prix de l'essence à la pompe? Qui ne sait pas que les pétrolières n'attendent que ça pour nous en faire absorber les coûts? De toute façon, tout ce qu'ils pourront trouver, ils le mettront à l'index, pour en arriver à nous faire payer le litre plus de 2$. Alors, cessez d'essayer de nous endormir avec vos histoires et de nous demander si nous craignons une flambée des prix. On le sait et ça fait leur affaire, parce qu'ils doublent leurs profits. Le gouvernement encaisse et, nous les citoyens, payons pour les enrichir. Tout prétexte est base d'augmentations et personne ne met ses culottes pour s'interposer. Cela fait leur affaire.

Guy Asselin

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Un plan bien rodé

Ce n'est pas la première fois qu'une crise au Moyen-Orient entraîne une hausse des prix du pétrole et ce ne sera sûrement pas la dernière tant que le marché sera régulé pour satisfaire les pays producteurs et les pétrolières. Il faut noter que seulement 3% de la production mondiale transite par le canal de Suez, ce qui signifie que c'est essentiellement le circuit d'approvisionnement vers l'Europe qui est touché par les troubles en Égypte. On peut ainsi penser que le Canada et l'Amérique du Nord ne seront presque pas atteints par ce ralentissement. Or, le problème de la flambée des prix vient presque uniquement des spéculateurs et à travers eux des pétrolières qui font des profits colossaux rien qu'en «jouant» avec l'actualité. Les pays producteurs «jouent» ainsi avec le robinet, les pétrolières avec l'approvisionnement et les gouvernements avec notre crédulité puisqu'il est souvent encore trop tôt pour que les réserves soient menacées. Dans ce plan de match, magnifiquement rodé et perfectionné depuis la première crise pétrolière en 1976, le consommateur se retrouve toujours pris en otage, car il n'a apparemment d'autre solution que d'accepter l'augmentation à la pompe s'il veut rouler. N'en déplaise à ceux qui prônent un discours «sans automobile», la réalité nous impose, pour la majorité d'entre nous, à utiliser notre voiture pour vivre, tout simplement. C'est sur cette obligation que misent les pétrolières et l'expérience leur donne raison jusqu'à présent. Il faut savoir que si cela fonctionne c'est qu'il existe un accord de non-agression entre les compagnies et ce n'est pas de la paranoïa que d'affirmer cela. On parle de collusion, et c'est un fait qu'il n'est même plus besoin de prouver tant il est vérifié et vécu par les automobilistes. Les pétrolières, comme les producteurs (et au bout de la chaîne les constructeurs automobiles, ne les oublions pas) n'ont aucune raison de se tirer une balle dans le pied en changeant ce système qui dégage de tels bénéfices. Alors que peut faire le consommateur, me direz-vous d'un ton résigné? Le consommateur peut choisir et inverser les rôles. Et cela, d'une façon toute simple. En tant qu'automobiliste, je dois rouler et faire le plein de carburant. J'ai donc le choix entre un assez bon nombre de compagnies pour me ravitailler. Comme toutes les pétrolières sont responsables de cette situation, je décide d'en punir deux au hasard (par exemple, la Shell et Petro Canada) et j'irai donc à la pompe des concurrents. Avec la répartition des stations, cette petite discipline ne me causera presque aucun problème pour faire mon plein. Je vous devine en train de vous marrer avec ma «bouderie». Est-ce qu'un client qui agit ainsi peut faire bouger les choses? Oui, si ce client est imité par d'autres qui boudent les mêmes compagnies. On parlerait alors de boycottage techniquement, mais ce n'en est pas puisque toutes les compagnies sont responsables. On en prend simplement deux qui serviront à faire «levier». On part du principe qu'en six mois, voire moins, si un demi-million d'usagers de la route au Canada boudent deux grosses compagnies pétrolières, les pertes se chiffreront en millions de dollars pour chacune d'elle. Elles seront ainsi forcées de négocier une baisse avec leurs concurrentes. Ce n'est pas une chaîne de l'espoir que je transmets là, mais juste un constat qui montre que le consommateur a aussi un moyen de changer les choses. Il suffit qu'une association de défense des consommateurs lance cette idée de mobilisation. On ferait un tirage au sort des deux «perdantes» et chacun s'y met. Ça peut paraître insensé, voire utopique, mais si on avait parlé de révolution en Tunisie et en Égypte, il y a six mois, cela aurait aussi paru insensé et utopique...

Laurent Garcias