Trouvez-vous normal que des élèves de 3e secondaire réussissent aisément l'examen de français de 5e secondaire du ministère de l'Éducation, comme un professeur a tenté de le démontrer? Devrait-on redresser la barre et augmenter la difficulté de l'examen de fin de secondaire, au risque que davantage d'élèves issus de la réforme le coulent?





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De quelle école québécoise parle-t-on?

L'expérimentation pédagogique présentée dans La Presse du jeudi 7 octobre concernant la passation de l'épreuve de 5e secondaire en français par des élèves de 4e relève davantage de la démagogie que de la démonstration honnête et rigoureuse. Peut-être M. Paquin a-t-il appliqué avec rigueur les grilles laxistes du Ministère - et laxistes, elles le sont. Peut-être a-t-il laissé à ses élèves moins de temps que ne le prévoit l'épreuve officielle. Mais on accorde à mon avis bien peu d'importance dans les textes de mesdames Elkouri et Lacoursière au fait qu'il s'agit d'élèves du programme international, un programme d'élite qui recrute des élèves encore plus forts que ceux du privé (parce qu'il est gratuit). On ne trace pas dans ces textes le portrait réaliste de l'école québécoise à laquelle est destinée l'épreuve de 5e secondaire, dont les classes des sections « non PEI » et « non sports-arts-études » sont remplies d'élèves en difficultés dont les acquis en première secondaire sont à peine ceux attendus d'élèves de 4e année du primaire - j'en veux pour preuve les nombreux témoignages recueillis auprès d'enseignants du régulier dans le cadre de mes recherches menées dans des classes. Certes, cette situation de la baisse de niveau est condamnable, la réforme étant effectivement responsable à plusieurs égards du manque de connaissances des élèves, mais ce n'est pas en critiquant le système d'éducation à l'aune de son élite entrainée à la dure qu'on peut en tracer un portrait fidèle. On tombe alors dans la démagogie, un discours si aisé lorsque vient le temps de parler de l'enseignement du français.

Érick Falardeau, Professeur de didactique du français, Université Laval

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Un enfer quotidien

Je suis de la génération x, post baby-boom. J'ai 49 ans et je les suis de très près ces baby-boomers. Mais il faut dire que l'enseignement du français à mon époque est passé du cours classique à quelque chose de pas mieux qu'aujourd'hui. L'avantage d'aujourd'hui, si je peux y croire, c'est que les jeunes sont mieux entourés : conseillers, travailleurs sociaux, orthopédagogues, etc. Je veux indiquer qu'à l'époque, j'ai réussi à passer mon secondaire en étant médiocre en français, mon CÉGEP et mon université aussi. Quand est venue la rédaction de mes mémoires de maîtrise cela a été l'enfer, le pur enfer! Je travaille en ingénierie depuis 23 ans et chaque fois que je dois écrire, c'est l'enfer, car je ne maîtrise pas mieux les règles de base pour réussir une bonne rédaction. Pour m'aider, j'ai même refait un cours de rédaction en 1996. Dans mon cas, c'est davantage au niveau des constructions de phrases et des accords, mais, de nos jours, il y a plus que ces problématiques que les jeunes ne maîtrisent pas. Il faut absolument que l'examen soit représentatif du niveau et non pas du nombre d'étudiants qui peuvent le réussir. Si j'avais échoué, je serais probablement un travailleur manuel spécialisé bien payé, plutôt qu'un ingénieur qui vit des stress intenses et inutiles. Nous ne pouvons pas tous aller à l'université, bien que ce soit une bonne chose. Mais pour s'épanouir tant à l'université qu'au travail, on devrait s'assurer que l'examen soit un barrage pour ceux qui ne maîtrisent pas leur langue. Maîtriser la langue c'est requis, mais ce n'est malheureusement pas donné à tous et la vie ne devrait pas être un calvaire tous les jours lorsque l'on est amené à l'écrire constamment.

Yves Méthot

Un succès ridiculement trompeur

Un enseignant de la Rive-Sud, M. Bruno Paquin, tente de démontrer que les exigences de la nouvelle version de l'examen ministériel de français ont été revues à la baisse. On pourra toujours avancer qu'il n'était pas neutre dans sa correction. Mais, à mon avis, il l'est tout autant que ces gens qui font des maitrises et des doctorats. Il a posé une hypothèse et a voulu la vérifier. Là où le bât blesse cependant, c'est qu'il s'est livré à cette expérience avec des élèves issus du programme PEI, des élèves habituellement performants. Question d'être un peu plus baveux que M. Paquin, je suis prêt à parier que la grande majorité de mes élèves de première secondaire PEI réussiraient en juin prochain cette épreuve de fin de secondaire, avec ou sans la nouvelle mouture de l'examen. Oui! Vous avez bien lu. Dès qu'on arrive à faire moins d'une faute aux 15 mots, les probabilités de réussir cette « épreuve » sont quasi assurées. Le reste, la structure, la logique du texte sont à la portée du moindre élève un tant soit peu allumé. Cette forme d'évaluation finale ne permet pas de savoir si l'élève connait bien ses règles grammaticales, mais plutôt s'il est capable d'éviter de faire certaines fautes. La nuance peut sembler futile, mais elle est importante. Un élève ne sait pas comment écrire un mot ou effectuer un accord? Il n'a qu'à reformuler sa phrase ou employer un synonyme. Cette technique d'évitement, je l'enseigne à mes élèves et ils l'appliquent généralement avec succès. Au diable donc tout un pan des connaissances grammaticales : on peut réussir cet examen en étant compétent et ne rien comprendre des participes passés, de la règle du tout et des adjectifs de couleur. Je le sais : alors que j'enseignais en cinquième secondaire, même mes élèves qui ont échoué toute l'année mes tests de connaissances grammaticales réussissaient pourtant l'épreuve du MESL sans aucun problème. Sans aucun problème, donc sans aucune inquiétude, mes élèves considéraient l'épreuve ministérielle comme une simple formalité : « Tout le monde passe ou presque. Il faut juste ne pas être malchanceux. » Surtout qu'avec les nouvelles technologies de l'information, la tricherie n'a jamais été aussi facile. C'est entre autres dégoûté par cette comédie de la réussite qu'après 17 années pendant lesquelles j'ai oeuvré à ce niveau, j'ai quitté la cinquième secondaire pour oeuvrer auprès de jeunes de première dans un programme particulier. Et leur soif d'apprendre, leur désir sain de construire leur estime de soi en surmontant de véritables difficultés m'ont fait le plus grand bien. En première secondaire, ces élèves ne sont pas encore blasés ou pervertis par un système qui érige le succès en un absolu ridiculement trompeur.

Luc Papineau, enseignant