Pendant que la commission Bastarache se penche sur le processus de nomination des juges au Québec, les Américains s'apprêtent à voter pour leurs juges lors des élections de mi-mandat le 2 novembre. Croyez-vous qu'on devrait imiter les États-Unis et faire élire nos juges ? Ou doit-on maintenir le mode actuel de nomination parce que des élections judiciaires risqueraient d'accroître la menace de conflit d'intérêts, comme le soulève notre journaliste Judith Lachapelle dans son dossier ?

VOS COMMENTAIRES

Notre système est meilleur

Il faudrait d'abord souligner que ce ne sont pas tous les juges aux États-Unis qui sont élus.

Dans une majorité d'États, ils sont effectivement élus.

Dans un excellent article de La Presse, on expose le cas de l'Ohio.

Mais dans la majorité des États, les élections se font par crossendorsement; c'est-à-dire que les grands partis se mettent d'accord pour endosser une candidature particulière.

Mais au niveau fédéral, des cours de district en passant par les cours d'appel jusqu'à la Cour Suprême, il n'y a pas d'élections.

Le président propose le candidat de son choix et ce choix est soumis à la ratification du Sénat.

J'adore écouter sur C-Span 2 les audiences de confirmation (confirmation hearings).

Les candidats se font examiner en long et en large.

Rien de comparable à ce que gouvernement Harper a institué ici; pour la cour Suprême seulement, comparution du candidat choisi devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques des Communes..

Devant ce Comité, le candidat n'a rien à craindre.

Tout d'abord, ce Comité n'a qu'un pouvoir de recommandation, puisque la prérogative de nomination revient au Gouverneur général en conseil et puis, à l'usage, on voit, médusé, que les députés ne sont pas du tout préparé pour ce qui est davantage une rencontre sociale.

Les députés sont honorés de recevoir celui ou celle qui sera nommé et lui posent quelques questions d'une rare insignifiance.

Ce que je propose, c'est que nous constitutionalisions le modèle américain: le gouvernement propose et les Communes disposent.

Pour ce qui est de l'élection des juges des cours inférieures, le système que nous avons actuellement, bien qu'imparfait, est de beaucoup meilleur que l'instauration d'une démagogie électorale judiciaire.

Yolande Chagnon

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Des concours

Je pense que les juges devraient être recrutés sur concours. Chaque année, le gouvernement devrait organiser un concours (comme pour les fonctionnaires).

Il faudrait un minimum: une maîtrise de droit assortie d'une expérience professionnelle en droit de plusieurs années (à déterminer).

Ainsi, tous les professionnels du secteur pourraient se présenter sans avoir de crainte d'être écartés s'ils ne font pas de politique dans le bon parti.

Claudio Rodin

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Par des avocats

Oui, les avocats devraient accéder au poste de juge après avoir été élus, mais ni par le public ou les membres du gouvernement, mais bien par leurs pairs.

Christiane Gervais, Montréal

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Plus hasardeuse

Si l'on s'offusque du processus de nomination des juges de la Cour du Québec sous le gouvernement libéral de M. Charest, l'élection des juges sera encore plus hasardeuse. Aux États-Unis, les juges qui doivent passer par un processus d'élection doivent faire une course électorale avec tout ce que ça implique: Appartenance à un des deux grands partis politiques, financement de la campagne par de généreux donateurs, débat populiste et démagogique pour convaincre l'électorat. Finalement, celui qui aura le plus d'argent, d'influence et de charisme sera élu juge, mais ses compétences réelles ne comptent que bien peu. L'Angleterre me semble un bien meilleur exemple. Après une série de nomination scandaleuses, et d'une réforme judiciaire nécéssaire pour assurer la séparation des pouvoirs, une commission des nominations judiciaires a été mise en place en 2006 pour faire la nomination des juges. Cette commission indépendante de tout ministère publie tous les postes disponibles et reçoit les candidatures. Il y a 15 commissaires pour choisir les candidats et le président doit être un membre du public. Il est constitué de 6 membres du public, 2 avocats et 7 juges de différentes juridictions. Le conseil de la magistrature choisi 3 membres, le reste est choisi par un comité de 4 personnes: La première est choisie par le ministre de la justice et le juge en chef, la deuxième est le juge en chef, la troisième est choisie par la première!, la quatrième est le président de la commission. Toutes les personnes, commission ou comité, ne doivent pas travailler pour l'État.

Avec ce système, inscrit dans leur Constitution, la sélection des juges est maintenant on ne peut plus indépendante!

Sébastien Blais, Boisbriand

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Une zone grise

Je dis non à l'élection de nos juges au Québec et au Canada. Par contre, je considère que malgré la démonstration de l'étanchéité du processus de nomination des juges au Québec, le législateur et le conseil de la magistrature devront amorcer une réflexion sérieuse sans attendre le rapport de la commission Bastarache.

La problématique se situe au niveau du politique et de la zone grise qui lui permet d'intervenir : circulation des listes de candidats, le regard du premier ministre, le choix du public au sein du comité de sélection. Que penser de certaines enquêtes de sécurité qui manquaient de rigueur jusqu'à faire nommer un juge qui l'aurait contournée avec une grande facilité. Et par la suite, de voir le ministre de la Justice être dans l'obligation de destituer celui qu'il avait nommé à la suite d'une deuxième enquête, c'est assez incongru.

Antoine Deraiche

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Processus médiocre

Élire les juges, non merci. Cependant, le processus en usage au Québec est médiocre en comparaison de celui de l'Ontario. Faire qualifier des candidats à une fonction aussi importante que celle de juge par un comité composé uniquement de trois personnes nommées est tout à fait ridicule.



Fernand Lavigne

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Plus de politiciens

Nous faut-il vraiment plus de politiciens? Je pense que la réponse est clairement non! En élisant nos juges, on les rendrait politiciens et très rapidement leurs jugements seront teintés par la volonté électorale, comme aux États-Unis. La magistrature n'est pas un concours populaire. Parfois, les juges doivent prendre des décisions impopulaires; regardez donc nos politiciens et admirez leur inhabilité à en faire autant. C'est certain que le processus de nomination n'est pas parfait, mais élire nos juges n'est pas la solution.

Paul Gendron