Ces dernières années, le gouvernement Charest a favorisé l'éclosion de résidences privées pour aînés. Mais, nous révèle une série-choc de notre journaliste Ariane Lacoursière, les mesures pour encadrer ces ressources privées sont inefficaces : lacunes dans le processus de certification des résidences, antécédents judiciaires des propriétaires et employés non vérifiés, normes de sécurité incendie assouplies.

Cette situation vous inquiète-t-elle? Est-ce que vous-même ou vos parents âgés êtes affectés par ces lacunes?

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Les gens, pas la paperasse

Vous vous demandez comment il se fait qu'une résidence pour personnes âgées qui a un cas pendant ou des recommandations faites par un coroner reçoive malgré tout sa certification du ministère concerné. Voici la réponse: la certification est simple, si on se place derrière un bureau administratif du gouvernement. Je demeure actuellement en résidence moi aussi et récemment, nous avons eu la visite d'un agent pour la certification. Humainement, on trouverait normal que cette personne vienne vérifier les soins donnés aux résidents âgés. Pas du tout! Cette personne ne s'est adressée à aucun des résidents présents lors de sa visite. Pas même un bonjour, ni un sourire. L'exercice en était un d'administration. S'apercevoir que sur les portes des chambres il manquait l'affichage des procédures en cas d'incendie pour des gens qui sont à demi voyants ou encore à demi sourds, mais qui sont considérés comme autonomes était plus important que de s'enquérir de leur santé ou des services qu'ils reçoivent. Tout comme la justice qui est aveugle, les procédures sur la certification sont administratives. À la résidence où je vis, la propriétaire est une personne très attentionnée pour les services offerts à ses résidents. Elle fait des pieds et des mains pour nous satisfaire et faire en sorte que nous nous sentions confortables, et que nous recevions tous les soins qu'elle aimerait recevoir si elle était dans notre position. C'est une femme adorable et l'ambiance de notre résidence est familiale et attentionnée. Lors de cette visite, l'employée affectée à la démarche de renouvellement de la certification a laissé à cette propriétaire et à nous, les résidents, un bonbon amer. Nous avons compris que ce coûteux processus ayant pour but de redorer le blason du gouvernement se voulait humanitaire et s'est transformé rapidement en mesures administratives qui laissaient à désirer sur sa qualité de gérance d'une résidence pour personnes âgées. Nous avons reçu, malgré la qualité exceptionnelle des services que nous recevons, des petites tapes sur les doigts pour des peccadilles oubliées: inscrire les menus sur un tableau, afficher les activités, l'heure des collations, ajouter des crans d'arrêt sur les portes des armoires ouvertes à la clientèle. Bref, tout ce qui, selon leurs critères, constitue une bonne gérance, mais on ne tient pas compte du traitement des humains qui habitent la résidence. Il faut bien commencer quelque part! Mais ici, on est loin de la coupe aux lèvres. Je vous dirais, en tant que résidente, que la visite de l'employée du ministère m'a fait l'effet d'une douche froide. Avec la propriétaire, qui est très près de nous, nous attendions fébrilement cette visite, fiers de notre résidence et des soins dont nous jouissons. Cependant, pas de tape dans le dos pour les bons traitements, pour la propreté des lieux, pour les mesures prises pour nous rendre la vie agréable, ni pour des repas servis avec soin en prenant en considération un régime alimentaire sain. Rien de tout ça, que de la paperasserie. Voilà ce qu'est la certification.

Jeannine Mongrain, résidence La Maison d'Antan, Shawinigan-Sud

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Très inquiétant

Je suis inquiet pour la sécurité des aînés dans nos résidences. Je m'exprime au nom de ceux qui sont dans des résidences pour personnes autonomes, mais qui, dans les faits, sont plus souvent semi-autonomes et, dans certains cas, pas du tout autonomes. Particulièrement, en ce qui concerne une résidence de Trois-Rivières, nous sommes très inquiets. Nous le disons, nous l'écrivons, mais nous n'obtenons pas de réponse. Prenons quelques exemples: nous demandons de voir le certificat d'accréditation depuis plus d'un an. Nous voulons savoir quelles sont les conditions de l'accréditation. On ne sait rien, c'est un secret. Quand nous avons signé notre bail, on nous a dit que la résidence était pour personnes autonomes et ce n'est pas vrai. Nous avons des handicapés lourds, avec marchette, motorisé. Nous avons des semi-voyants, des sourds. Plusieurs ont perdu une bonne partie de leur mémoire. Je passe sous silence les résidents atteints de cancer, qui prennent plus de 10 minutes pour descendre à la cafétéria en utilisant l'ascenseur. Cependant, ici les ascenseurs, en cas d'incendie ne fonctionnent pas, alors imaginez les conséquences si le pire survenait. Dans notre milieu de vie, il y a trop de personnes isolées et personne ne communique. Ironiquement, il est défendu aux résidents d'utiliser le babillard pour communiquer entre eux et s'informer réciproquement. La direction générale contrôle tout. De quoi ont-ils peur? Nous sommes inquiets de mourir seuls, par manque de surveillance ou par négligence. D'autant plus que cette année, c'est arrivé à deux reprises. Évidemment, il faut bien mourir un jour. Cependant, nous sommes peu nombreux à souhaiter faire l'ultime sacrifice de notre vie, seul et sans personne à qui dire un dernier au revoir. Oui, je suis inquiet et j'ai de la peine, mais que valent mes larmes devant ces départs anonymes?

Yves Houle, Trois-Rivières

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Formez le personnel

Une grosse partie du problème dans les résidences privées pour les personnes âgées est l'absence de certification du personnel qui y travaille. Un préposé aux bénéficiaires peut y être engagé sans parler le français ni l'anglais, et en ayant reçu qu'une formation de 20 heures. Les employés n'ont souvent pas le minimum de connaissances requis pour oeuvrer auprès des personnes âgées. Il n'y a aucun encadrement à cet égard. Les propriétaires de ces résidences privées ne s'en formalisent pas trop, puisque c'est une façon d'économiser. En tant que professionnelle de la santé, je note de sérieuses lacunes dans des résidences privées (plaintes des résidents non entendues, abus de pouvoir de la part du personnel, argent qui disparaît...) Les résidences ne sont pas toutes comme ça heureusement, mais il y a un sérieux ménage à faire et ça devrait commencer avec la formation du personnel.

Julie Lebel

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Que les familles s'impliquent

Que ce soit au privé ou au public, la responsabilité de veiller sur ses parents incombe aux enfants. Ainsi, le choix d'une résidence doit se faire comme si les enfants le faisaient pour eux-mêmes, comme la surveillance des lieux et des soins. Mais, si l'on pense que l'État doit prendre la place des enfants, qu'il en soit ainsi.

Jacques Fréchette