Il y a 30 ans jour pour jour, les Québécois se rendaient aux urnes pour voter sur le mandat de négocier la souveraineté-association demandé par le gouvernement de René Lévesque. Le NON allait l'emporter avec 60% du vote. Selon un sondage Crop publié cette semaine par le groupe de réflexion L'Idée fédérale, trois décennies plus tard, 58% des Québécois jugent «dépassé» le débat sur la souveraineté du Québec. Qu'en pensez-vous? Comment expliquez-vous cette apparente lassitude des électeurs?



MERCI DE NOUS AVOIR FAIT PARVENIR VOS COMMENTAIRES

Au contraire

Le projet est plus pertinent que jamais. L'ennui, c'est que les Québécois semblent associer l'indépendance politique à leurs frustrations envers les politiciens. En ce moment, il serait hasardeux et malvenu de leur demander de confier à nos gouvernants le mandat de fonder un nouveau pays, considérant l'actuelle crise de confiance qui sévit à la grandeur du Québec. Le deuxième problème est que les Québécois croient encore que le fédéralisme canadien est réformable à leur satisfaction, le récent sondage publié par le Bloc québécois en est la preuve. Pourtant, les signes de la totale fermeture du Canada anglais ne manquent pas. Les Canadiens anglais font de l'urticaire juste à penser que le Québec pourrait avoir un statut particulier au sein de la fédération canadienne. Le gouvernement conservateur a réussi à faire adopter sa motion de reconnaissance de la nation québécoise pour la seule et unique raison qu'elle n'a aucune portée juridique. Les Québécois espèrent encore une réforme qui ne viendra probablement jamais. Tant qu'ils ne seront pas persuadés que toute tentative constitutionnelle est vouée à l'échec, la souveraineté restera un pis-aller, une solution de dernier recours. Les souverainistes doivent donc convaincre leurs compatriotes de l'impossibilité que la fédération canadienne se renouvelle dans le sens des revendications du Québec. L'autre problème, et il est majeur, est le confort dans lequel semblent installés les Québécois, notamment les nouvelles générations. Les grands combats de nos parents pour la reconnaissance et le droit d'être servis en français sont loin derrière nous et notre sécurité culturelle est tenue pour acquise. Cependant, il est clair que le français est en recul à Montréal et que l'anglais gagne du terrain dans l'esprit des Québécois. En dépit de cette réalité, ces derniers ne ressentent plus l'urgence qui caractérisait les années 60 et 70. Or, le projet d'indépendance prend ses racines dans cette insécurité culturelle que devraient normalement ressentir au premier chef les francophones du Québec. En l'absence d'une telle urgence, je vois mal comment les souverainistes pourront convaincre l'ensemble de la collectivité du bien-fondé du projet d'indépendance. Pourtant, les motifs de créer le pays du Québec ne manquent pas. En plus des motivations culturelles et linguistiques, ajoutons les impératifs économiques de posséder tous ses moyens de développement et la nécessité d'éliminer tous ces chevauchements avec un gouvernement central qui ne cesse d'empiéter dans nos champs de compétence. La constitution actuelle, adoptée contre notre gré, la Charte des droits et libertés et la Cour suprême sont autant d'obstacles à l'expression de nos valeurs sociétales. Ces institutions fédérales briment notre Assemblée nationale dans l'application des lois qui régissent notre vie collective. Sans oublier cette banalisation du fait québécois qui se confirme dans la volonté des députés du reste du Canada de réduire le poids politique du Québec à la Chambre des communes, siège de la démocratie canadienne. Il est désormais confirmé, sondages à l'appui, qu'une nette majorité de Québécois estiment que leur État possède tout le potentiel voulu pour se démarquer au concert des nations souveraines de ce monde. Si la capacité du Québec de prospérer parmi d'autres pays ne fait plus de doute, c'est la pertinence de ce projet qu'il faut encore démontrer et c'est dans cette bataille que doivent s'engager sans plus tarder les souverainistes. Trente ans après le premier référendum (et bientôt quinze ans après celui de 1995) et vingt ans après l'échec de l'Accord du lac Meech, il y a encore lieu de se questionner sur la place du Québec à l'intérieur de l'ensemble fédératif canadien. Après 30 ans de promesses non tenues, de multiples désillusions et de temps perdu avec des chicanes fédérales-provinciales stériles, la possibilité que le Canada soit un jour réformé selon les voeux légitimes du Québec est désormais un leurre, une vue de l'esprit, un autre espoir déchu. Reste maintenant une seule option, une seule solution: devenir totalement maître chez nous.

Yannick Proulx, militant souverainiste

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Entre le oui et le non, mon intelligence balance

Contrairement à ce que je pensais depuis à peu près quinze ou vingt ans, je dirais aujourd'hui, avec des nuances et des hésitations, que la souveraineté n'est pas dépassée, pas entièrement. Il y a toujours la possibilité, faible, mais réelle, d'un retour significatif du rêve de faire du Québec un pays indépendant. Je m'explique. De 1961 (j'avais alors 18 ans) jusqu'à 1994-1995, j'ai appelé de tous mes voeux l'avènement d'un Québec libre. En 1980, jubilatoire et enthousiaste fut mon «oui». Puis, on a vu intervenir une certaine désillusion chez de nombreux «militants» pour lesquels c'était la fin de l'histoire, l'horreur absolue et le triomphe du colonialisme. Beaucoup de ces militants se sont alors mis à s'en prendre au «confort et à l'indifférence» de ce «peuple poltron, colonisé, lâche et amorphe», de ce peuple rétrograde qui avait refusé de «se donner un pays». Cette désillusion, quant à moi, n'a pas duré très longtemps. J'ai alors pensé qu'il fallait se mettre à s'attaquer à toute une pléthore de problèmes sociaux, culturels, économiques et politiques. Je me suis mis à penser que l'obsession souverainiste constituait un frein sérieux qui «nous» empêchait de faire face à des problèmes autres que constitutionnels. Cette réflexion m'a amenée à annuler mon vote lors du référendum de 1995, ce qui m'a créé de nombreux ennemis «séparatistes», lesquels, en toute logique, se sont «séparés» de ma modeste personne. J'ai alors été considéré comme un «pissou», une moumoune et un renégat. J'ai aussi été, en 1985, candidat NPD lors de l'élection provinciale. Je me suis alors fait de nombreux ennemis (je ne cesse, depuis, de collectionner les ennemis). Mais depuis que les conservateurs «harper-riens» n'ont pris le pouvoir, j'ai vu se rallumer dans mon esprit une petite veilleuse souverainiste. Si une majorité des citoyens du ROC veulent élire et réélire un gouvernement réactionnaire et rétrograde, je me demande si nous ne pourrions pas nous arranger entre Québécois (de tous les horizons) lorsque viendra (lorsque vient) le temps de déterminer la société que nous souhaitons mettre en place. Aussi, étant natif de Gatineau (j'y suis né en 1943) et ayant souvent travaillé à Ottawa pendant les années 60, je retrouve un grand élan souverainiste dès que je retourne dans cette ville qui a été «ma» première «grande ville». Il y a là un tel mépris du français que je ne retourne presque jamais dans cette capitale censée représenter le merveilleux pays bilingue promis par Trudeau. Tout cela pour dire que je suis hésitant et qu'il s'en faut de peu pour que je retrouve mon élan indépendantiste. Enfin, je verrai bien. Nous verrons bien!

Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias

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La réalité

Je lis des commentaires qui semblent purement émotifs de la part des souverainistes. Dans un premier temps, certains abordent le gouvernement corrompu de Charest et réclament qu'il soit renversé par le parti québécois. Et puis après? Est-ce que la souveraineté nous protègerait de gouvernements corrompus? Y croire friserait la folie. Des gouvernements corrompus, il y en aura toujours, souverains ou non. Le PQ a également beaucoup de squelettes dans son placard et il ne serait pas seul parti politique dans un Québec souverain. D'autres croient que nous serions plus riches. Pourtant, le Québec reçoit environ 8 milliards de dollars en péréquation chaque année. Qui peut garantir que nous serions capables, comme province souveraine, de générer une telle somme annuelle? Qui peut certifier que le Québec, avec ses finances publiques au bord de la faillite, avec sa population vieillissante, avec une économie moyenne, avec ses systèmes sociaux coûteux, avec une machine gouvernementale déjà trop volumineuse, qu'il pourra être un pays compétitif sur le plan mondial? Comment pourrait-il faire compétition à la Chine, aux États-Unis et au Canada alors qu'il sera dépendant des importations et qu'il ne sera pas compétitif dans les exportations? Il y a également la fibre purement souverainiste, celle qui veut l'indépendance pour protéger notre langue et notre culture. Cependant, comment protéger davantage notre culture que ce que la loi 101 fait déjà alors que le territoire québécois est rattaché à un univers américain omniprésent et que l'ère des communications nous permet d'écouter des séries télévisées diffusées au Japon? À moins que vous empruntiez les politiques chinoises antidémocratiques qui empêchent leurs citoyens de s'ouvrir librement sur le monde en bloquant des sites Internet et en les empêchant de s'exprimer librement. Vous ne pourrez pas empêcher l'invasion de la musique anglaise ou des films hollywoodiens à grand coup de subventions aux artistes d'ici. Je vois les problèmes de la Grèce présentement, et permettez-moi de vous dire que je préfère notre beau grand pays uni à un petit lopin de terre que serait le Québec dans une marre de gros bonnets et qui se battrait tous les jours pour se faire reconnaître sur la scène mondiale.

Frédéric Aubin, Québec

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Les prophètes du bonheur du peuple

Ce n'est pas tant la souveraineté, curieux terme en passant pour qui désire s'affranchir d'une monarchie, qui est en cause, mais bien l'attitude déclarée ou perçue des prétendus libérateurs péquisto-bloquistes. Plus on entend leur discours empreint de méchanceté, de mesquinerie, voire de xénophobie, plus on doit s'interroger sur ce que serait le sort des gens une fois livrés à leur merci. Ce que ces prétendus prophètes du bonheur du peuple revendiquent n'est en fait que: «Le Leurre et l'argent du Leurre». L'idéal sociodémocrate n'existe plus, et lorsque l'on a un tant soit peu de clairvoyance, voilà qui n'inspire aucune confiance. Dieu qu'on est bien en dehors de ces magouilles!

Jean G. Lengellé, Embrun, Ontario

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Est-ce si terrible d'avoir son propre pays?

Les sondages! Quel beau moyen de manipuler l'opinion publique. Il y a eu plusieurs nouveaux pays sur cette petite planète au cours du dernier siècle. Le Québec reste toujours sur la liste d'attente. Sa situation géographique n'aide en rien. Six millions de francophones dans un océan nord-américain de trois cent cinquante millions d'anglophones. Pas besoin de se poser la question bien longtemps à savoir qui est menacé. Créer son pays ou disparaitre? Eh oui, ça demande des couilles!

Yvan Lemieux, Gatineau

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Urgence

Parlons plutôt d'urgence, si nous voulons exister conformément à nos valeurs, notre culture, notre langue, tout en gérant nous-mêmes notre économie. Et aussi, afin de partager ce que nous voulons avec qui nous voulons.

André Vallée

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Un projet dépassé

Le projet de souveraineté du Québec est-il dépasse? Sans hésitation je réponds: OUI! Le principal argument des souverainistes afin de justifier leur position est la préservation de la culture et de la langue au Québec, car nous sommes «différents» des autres Canadiens. À mon avis, cet argument ne tient pas la route. Il y a, dans plusieurs pays, deux communautés distinctes coexistantes et cela est vu comme une richesse, et non une menace. Prenons l'exemple de la Suisse, de la Belgique, et même de l'Allemagne, où l'identité culturelle à l'extrémité sud, en Bavière, diffère fortement de celle de l'extrémité nord. La langue est la même, mais le dialecte parlé dans les deux régions est foncièrement différent. Et en quoi la séparation du Canada est-elle censée aider le Québec à préserver sa culture? Nous devrons tout de même apprendre l'anglais à l'école, pour le travail, pour voyager. Nous aurons toujours les mêmes voisins, et je ne crois pas qu'ils se forcent pour apprendre le français comme c'est le cas présentement au Canada anglais pour communiquer avec les Québécois, si le Québec se sépare. Ce sont plutôt les Québécois qui devront communiquer en anglais. Et ils n'auront pas le choix, car le Québec est une minuscule goutte d'eau en Amérique du Nord, et encore plus dans le monde. Le projet de souveraineté était un rêve des années 70. Je comprends qu'à l'époque il put paraître emballant, mais dans le contexte actuel, mieux vaut voir la réalité en face et essayer de bâtir ensemble.

Isabelle Côté, qui regarde en avant et non derrière!

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Le courage qu'il nous faudra

Il faut avoir une vue bien courte de l'histoire pour envisager qu'une idée aussi forte que la souveraineté d'un peuple comme celui du Québec soit dépassée. De nombreux pays aujourd'hui indépendants ont mis plusieurs décennies avant d'accéder à leur liberté politique. La nouvelle donne mondiale milite au contraire pour des entités politiques qui disposent de la flexibilité nécessaire et le maximum d'outils stratégiques, politiques et économiques pour tirer le meilleur parti possible des multiples jeux d'alliances qu'offre la nouvelle mosaïque du monde. Tout cela, bien entendu, dans un contexte où l'interdépendance entre les nations est de mise. Que plusieurs de nos compatriotes n'arrivent plus à voir la lumière au bout du tunnel est bien compréhensibles. Que l'idée d'indépendance soit dans un creux l'est tout autant. Le fait est que la stratégie d'encerclement constitutionnel, politique, économique et psychologique menée par les fédéralistes (constitution de 82, loi sur la clarté) fonctionne au point que le carcan est si serré que plusieurs ne voient plus comment en sortir. Avec 48 députés bloquistes à Ottawa, 51 péquistes à Québec, le Canada est un pays de fiction, qui n'existe que sur papier. La Nation Building canadien a lamentablement échoué, mais la chimère persiste. Malheureusement pour nous tous, Canadiens et Québécois, nos nations respectives sont dans une impasse. Il faudra une bonne dose d'intelligence, de coeur et de courage pour en sortir. Y arriverons-nous?

Daniel Michelin, Boucherville

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Un Québec, un pays

Au contraire de bien des commentaires qui disent que le contexte de mondialisation ne permet pas qu'un nouvel état se forme, je dis faisons-le afin que plus de voix puissent contribuer à une réellement démocratie mondiale. Moins il y a aura de voix pour représenter les hommes, moins les décisions seront proches des besoins de la minorité. Le Québec ne fait que mieux se porter depuis qu'il prend en main ses structures. Tranquillement, nous sommes devenus un peuple plus prospère et cela ne ferait qu'aller en augmentant avec de véritables moyens. Les municipalités pourraient à leur bon vouloir prendre les crédits qui sont alloués au provincial actuellement, afin de développer des régions prospères et productives. Alors que l'état du Québec, lui, pourrait se concentrer sur des objectifs plus près de la volonté des Québécois. Un ministère des affaires étrangères du Québec ne ferait que profiter au monde et du monde. Le Canada serait un formidable partenaire, dans un contexte où il n'y aurait pas de constante querelle. Il ne faut pas être devin pour voir à quel point nos réalités, nos envies, nos besoins et même notre mode de vie sont différents du reste du Canada. Un Québec, un pays!

Sébastien Malo, Québec

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30 ans déjà!

Il y a 30 ans, jour pour jour, lors du premier référendum, c'est l'option des péquistes et seulement ce que cette option-là recouvrait alors comme nationalisme timoré qui s'est fait battre. On peut dire sans se tromper que ce sont les souverainistes du Parti québécois eux-mêmes qui ont donné les verges avec lesquelles leurs adversaires ont pu par la suite les rosser d'aplomb. Il y a deux façons d'analyser cette défaite. Ou bien l'échec référendaire de la souveraineté-association du Parti québécois est venu sceller en quelque sorte le sort des velléités séculaires des indépendantistes; ou bien la victoire des fédéralistes à la Trudeau est venue confirmer d'une certaine manière le déclin pressenti du nationalisme canadien-français. Dans la première hypothèse, on peut présumer que, si un projet nationaliste aussi édulcoré que celui du Parti québécois n'a pu franchir jusqu'ici la barre fatidique des 50% d'adhérents, l'idée de l'indépendance, à l'évidence autrement plus radicale que la souveraineté-association, n'arrivera jamais à se concrétiser, malgré tout le dévouement dont les militants de cette cause font preuve depuis tant d'années. Ils ne l'admettront jamais, mais ces militants savent pertinemment que la raison principale de leur historique piétinement est l'existence même du Parti québécois, un parti qui n'a jamais été indépendantiste, mais qui en revanche ne cesse de prouver par ses propres actions que le Québec peut toujours obtenir un peu plus d'autonomie au sein du Canada. D'une part, en refusant systématiquement de se dire ouvertement en faveur de l'indépendance totale du Québec, le Parti québécois pense ainsi qu'il est en mesure de faire le plein du vote nationaliste; d'autre part, chaque fois qu'il est au pouvoir, en se faisant le parangon de l'autonomisme et en obtenant des résultats probants à ce chapitre, non seulement fait-il la preuve qu'il n'est nul besoin de recourir à l'indépendance pour faire évoluer le Québec, mais son succès relatif sur ce plan-là vient comme atténuer le ressentiment nationaliste que les Québécois pourraient entretenir vis-à-vis les nombreuses vexations que le fédéralisme canadien engendre et dont ils sont régulièrement les victimes. Ce qui nous amène à la deuxième façon d'analyser la défaite du Parti québécois en 1980, lors du premier référendum sur son option de souveraineté-association. La victoire alors des fédéralistes trudeauistes est effectivement venue confirmer le déclin pressenti du nationalisme canadien-français. Ce qui est sûr, c'est que ce nationalisme-là a tenu bon pendant 200 ans, essentiellement parce qu'il reposait dans tous les domaines sur un conservatisme généralisé et non exclusivement clérical. Ce qu'il fallait conserver avant tout, c'était la race, comme on disait à l'époque, le fait français en Amérique du Nord, dirions-nous de nos jours. Ce qui se traduisait sur le plan des idées par la défense d'un nationalisme ethnique. Depuis cinquante ans, le mouvement nationaliste québécois tente désespérément de se sortir de cette vision étriquée du Québec moderne. Mais il en est incapable. Pour une raison fort simple: le nationalisme ne peut être qu'ethnique. Une nation, c'est d'abord l'idée que sur un territoire donné, le groupe humain majoritaire qui occupe depuis longtemps l'écoumène disponible, a, à travers un cours historique plus ou moins long, fini par se façonner une identité ethnique, nationale, culturelle qui lui est propre. En termes clairs, le nationalisme québécois est l'apanage de la majorité francophone du Québec. L'indépendance du Québec doit servir au premier chef à assurer la pérennité de son caractère français. Mais le démoralisant revers du souverainisme péquiste en 1980, a convaincu le Canada anglais qu'il pouvait dorénavant procéder dans la construction d'un idéal canadien, tel que défini entre autres par Trudeau. Depuis trente ans, le Québec et le Canada cohabitent toujours ensemble, mais ne dialoguent plus guère; de temps à autre ils coopèrent entre eux, mais le plus souvent ils se marchent sur les pieds. La grande différence est que le Canada anglais à de moins en moins de place à offrir au Québec, et que le Québec en retour cherche de moins en moins à faire sa place dans le Canada. De deux choses l'une: ou bien les Québécois se lasseront de l'indifférence du Canada anglais à leur égard et quasiment par dépit ils se résoudront à se séparer du Canada; ou bien le Canada anglais en aura assez à la fois des revendications constitutionnelles du Québec et des généreux paiements de péréquation qu'il lui verse et ils pousseront les Québécois à faire l'indépendance. Un nouveau pays naîtra peut-être bientôt, mais ce sera un pays qui n'aura pas d'âme, si tant est que la naissance de ce pays sera vécue par les Québécois comme un véritable crève-coeur, ou pire comme le résultat d'un rejet définitif du Canada anglais!

Denis Christian Morin, Lavaltrie

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Une série d'échecs et de désillusions

Qu'avons-nous gagné depuis 1980, la réponse est simple rien. Nous avons connu, la nuit des longs couteaux, le rapatriement de la Constitution, l'échec du lac Meech, l'échec de l'accord de Charlottetown, le vol du référendum de 1995, échec de l'entente de Calgary, est-ce possible qu'un jour le Québec retrouve sa place dans la Confédération canadienne? Les événements du passé nous laissent croire que non. Dans un monde où la mondialisation nous permet d'avoir accès a un marché mondial, où le Québec est de moins en moins dépendant du marché canadien, où même les plus petits marchés influencent l'économie mondiale, il est inconcevable de penser que le discours souverainiste n'a plus sa place, où allons-nous dans ce Canada aux valeurs conservatrices? Le Québec ne doit plus reculer. Le Canada fonce droit au mur avec ses politiques environnementales ou plutôt l'absence de politiques environnementales. Nous l'avons vu au sommet de Copenhague, le Canada s'isole sur la scène internationale. Comme disait la chanson du PQ en 1976, ensemble on peut le faire le pays qu'il nous faut, car à partir d'aujourd'hui, demain nous appartient.

Jasmin Roy, 20 ans, Sherbrooke

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Oui, mais pas dans un avenir rapproché

Je suis un jeune homme de 23 ans et je travaille dans les services sociaux. J'ai toujours eu l'indépendance du Québec à coeur. Plus jeune, en 1995 lorsque le «non» l'emportait par une majorité plus que faible, je pleurais. À l'époque, je ne comprenais pas très bien les enjeux. Aujourd'hui, 15 ans plus tard, après m'être impliqué dans diverses causes politiques, après avoir participé à des comités politiques scolaires, mes positions sont plus éclairées. À tous ceux et celles qui voient la souveraineté comme un projet raciste, je ne comprends pas votre raisonnement, et probablement que vous ne comprenez pas celui des séparatistes. Le but n'est pas de fermer les frontières, ni de créer une barrière de plus. Dans un premier temps, force est d'admettre que nous sommes différents de nos voisins. Que ce soit l'Ontario, le Labrador, les provinces de l'Ouest, nous sommes culturellement différents, moralement différents, religieusement différents, et nous avons une langue différente. Nous sommes tout simplement une nation différente du reste du Canada. Je base mon opinion sur ces trois différences fondamentales dès le départ. Pour protéger notre culture, nos valeurs et notre langue. La souveraineté, ce n'est pas de couper tous les ponts avec le Canada, c'est seulement de prendre le contrôle de notre nation. C'est de se respecter en tant que peuple. De se donner les moyens pour que notre identité survive. Est-ce que ça nous empêche d'être ouverts aux immigrants et aux autres cultures? Pas du tout, le Québec est multi culturaliste. Par contre, dans le meilleur des mondes, le Québec serait une société athée. Parce que pour moi, le sexe, c'est comme la religion. Si tu veux te faire voir, il y a des endroits spécialement conçus à cet effet, sinon, fais ça chez vous, dans le privé. Bref, est-ce que j'y crois? Actuellement, la situation ne me permet pas d'y croire dans un avenir rapproché. Mais avec toute la bisbille politique, il suffirait d'avoir un dirigeant avec du charisme (pour une fois) et un plan clair et précis, pour rallier les gens à la cause.

Christian Cheminais, Québécois en attente

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La dépendance, qu'est-ce que ça donne?

Expliquez-moi pourquoi certaines personnes pensent que les souverainistes

québécois sont des gens racistes avec leur désir de voir le Québec devenir un pays tout comme des centaines d'autres sur cette planète. Faudrait-il conclure alors que les habitants des pays autonomes sont tous une gang de racistes! Et vivement un sondage qui demanderait aux Québécois la dépendance, qu'est-ce çà, donne et qu'est-ce que cela apporte au Québec!

Lucille Labrie

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Ayons de bons gestionnaires tout d'abord

Il y a 30 ans j'ai voté pour le oui sans être un péquiste. Actuellement, je crois que tant que nos gouvernements québécois n'arriveront pas à gérer notre Québec avec efficacité, la souveraineté est impossible et elle ne me tente plus. Pour faire son pays dans le contexte actuel, il nous faut d'abord des gouvernants très compétents. Ce qui est loin d'être le cas, tous les partis confondus. La souveraineté doit naître d'une volonté de l'Assemblée nationale et non d'un tiers parti.

Michel Genest

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Un débat désuet et dépassé

Je crois que le débat autour de la souveraineté est désuet et dépassé et j'aime affirmer que si le PQ misait sur des idées actuelles, ils auraient plus de chances d'être une alternative crédible aux libéraux. Lorsque j'écoute le PQ, c'est toujours «si on était un pays, on serait capable de..., si on était un pays... telle situation serait réglée... tandis que chez les libéraux, ils parlent de la réalité économique, de la création de richesses sur notamment le gaz naturel dans le fleuve Saint-Laurent, le Plan Nord avec ses 50 milliards, des exportations, de l'ouverture sur de nouveaux marchés. Pour ma part, ce sont des éléments qui me parlent plus qu'une situation hypothétique telle que figurée par le Parti québécois. J'ai hâte que le PQ comprenne qu'on est au XXIe siècle et que la situation du Québec n'est plus la même que celle dans les années 70.

Maxime Sauvé

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Nous n'en sommes plus là

La souveraineté était très populaire lorsque j'étais au cégep, tout le monde y voyait une façon d'améliorer notre sort en tant que société. Et c'était le cas, mais maintenant je peux affirmer que le Parti québécois ne ressemble plus à ce qu'il était. Le PQ, sous René Lévesque, était un parti dynamique qui prônait la souveraineté-association ce qui veut dire qu'on établissait une association avec le reste du Canada. Le Parti québécois, sous Pauline Marois, n'a pas la même façon de voir la souveraineté et malheureusement, je trouve que le PQ s'enfonce. Aujourd'hui, j'écoute ceux qui me parlent des problèmes du jour et des décisions à prendre et qui ouvrent nos frontières en misant sur l'économie pour réellement nous propulser en tant que société. Le PQ devrait comprendre que, pour être une option crédible, il doit miser sur des solutions concrètes au lieu d'essayer à tout bout de champ de nous vendre l'idée d'être un pays, on en est plus là.

Marcel Gaudreault

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La souveraineté n'est pas une panacée

Un élément important à ne pas perdre de vue est que la structure politique qu'on choisit n'est pas une fin, mais un moyen d'arriver à un ou plusieurs objectifs. Un objectif qu'ont certainement en commun une majorité de Québécois est la préservation de la langue française. Serait-elle moins en péril si on était souverain? Ou, autrement posée, la souveraineté est-elle nécessaire pour solidifier la place du français au Québec? Je crois que ça reste à démontrer. Quels autres objectifs ont en commun une majorité de Québécois et qui sont bloqués par le système fédéral? La protection de l'environnement? Se porterait-il mieux si le Québec était souverain? Le jour où nous accepterons des prix de l'essence similaires aux prix européens, que nous accepterons d'utiliser davantage le transport en commun et que nous renoncerons aux revenus provenant des sables bitumineux albertains nous en reparlerons. La culture se porterait-elle mieux? Peut-être. La santé? Certainement pas. L'Éducation? Non plus. N'oublions pas que nous recevons plus d'argent du fédéral que nous en envoyons. Et pour voir plus de vertus (pour l'utilisation des fonds) chez les députés provinciaux que chez les députés fédéraux en ces temps sombres de la politique québécoise, il faut porter des lunettes roses. Pouvons-nous améliorer notre sort sans passer par la souveraineté? Certainement en commençant par envoyer des députés à Ottawa qui auraient la chance de faire partie du gouvernement. Imaginons une force comme les valeureux députés du Bloc Québécois au sein d'un gouvernement. En voyant la souveraineté comme une solution à tous nos problèmes, nous risquons un dur lendemain de veille, souveraineté ou pas. Commençons par accepter nos responsabilités. Cela dit, ce sera toujours un plaisir de travailler avec ceux qui ont à coeur de faire avancer le Québec.

Stéphane Mercure, Sherbrooke

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Bâtissons ensemble

Chacun gagnerait à oublier les vieilles querelles et travailler ensemble pour l'avenir. Dans un monde de globalisation, il faut abattre les frontières et non en créer de nouvelles. L'indépendance est un luxe dont le Québec ne peut se permettre.

Alexis Fy, 25 ans, Québec

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Dépassé le fédéralisme centralisateur?

Dépassé le régime bicéphale d'une démocratie qui ne réussit pas à se renouveler? Dépassés la représentation électorale qui permet de laisser une minorité régner? Dépassé le mode électoral sur quatre ans (maintenant, endurez-nous pendant trois ans, plus six mois de mea culpa et six mois de lunettes roses! Et on recommence...)? Dépassée, l'ignorance autosuffisante et bien «alimentée» que permet le Québec bashing? Dépassée, l'ère des représentants politiques qui ne s'intéressent qu'à des questions du siècle passé? Dépassées les campagnes électorales qui sont tellement coûteuses que plus personne ne peut vraiment se passer de ses «ti n'amis»? Dépassés les antagonismes identitaires qui campent les positions et ne permettent plus de renouveler ce fédéralisme? Dépassée la mangeoire politique avec au menu que du grain à base de mondialisation? Dépassés les mouvements locaux, identitaires, marginaux qui espèrent encore stopper le béhémot économique et financier qui roule sur nos chances de survie? Dépassé le débat sur le terrorisme d'État sous toutes ses formes? Dépassée l'imputabilité qui criminaliserait toutes les formes d'escroquerie et de piraterie qui font la marque de commerce de notre classe politique? Je ne suis pas souverainiste (trop glauque pour moi), encore moins fédéraliste (je manque d'air, aidez-moi quelqu'un). J'estime juste que beaucoup de gens ne veulent au fond que tirer sur le messager quelles que soient leurs bonnes, très, très bonnes motivations Alors, amusez-vous à déchiqueter la bête pendant qu'elle est aux abois, mais surtout, ne pensez pas que vous avez un plan B. Moi, personnellement et après de nombreuses recherches, je n'ai rien vu de très motivant. À part, bien entendu, un nombre grandissant de « jeunes » dans la génération « en attente » qui ont compris que celle qui est au pouvoir n'a pas réellement l'intention de régler des « problèmes ». Elle va donner les signes, mais rien d'autre. « C'est comme ça que c'est que ça fonctionne » au royaume de la science infuse. Alors, vous pouvez toujours imaginer que le progrès est une ligne droite qui monte et que pour progresser, il ne suffit que de jeter des trucs au passage, eh bien non, le mur, bien solide ne bougera pas d'un poil. Ce qui m'ennuie le plus, ce sont ceux qui vont danser autour de la carcasse pendant toute la nuit en se saoulant, sans trop savoir ce qu'ils ont gagné. Et qui, au matin ils vont se demander ce qu'ils ont bien pu faire, le temps que la caféine agisse, avant de retourner à leur occupation (consommer, consommer) comme si rien ne s'était passé. Ce qui sera le cas d'ailleurs.

Serge Dufour

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En 1980, j'avais 20 ans.

Je finissais un bac en ingénierie en électronique. Et à 20 ans, tu as toute ta vie devant toi. Et on me demande de voter pour un projet à long terme. J'ai grandi dans un milieu 100 % canadien-français, 100 % francophone, en région. Mais à 20 ans, je réalise que travailler en haute technologie et uniquement en français est utopique, que l'intégration des autres races dans la société québécoise est inévitable et nécessaire. Je réalise aussi que c'était vrai pour moi et aussi pour la société québécoise en général, le développement économique futur du Québec le demandera. Pour moi, le projet indépendantiste a toujours été un projet essentiellement raciste, c'était un projet par et pour les Canadiens français. Il trouvait ses racines dans l'oppression dans laquelle mes parents ont vécu. Mais, est-ce que cette oppression s'appliquait encore en 1980 et pour le futur? Ma conclusion était négative, c'est donc la mort dans l'âme que je me suis rendu aux urnes et j'ai coché un non. Je me sentais trahir mes semblables, mais j'étais convaincu que la notion présentée n'avait pas d'avenir. Désolé. Et en 2010, ou en sommes nous? Je pense que la conclusion est évidente. Toute cette notion est archidépassée. Nous ne sommes pas désabusés de la politique, nous sommes tannés des vieux péquistes déconnectés de la réalité nord-américaine.

Alain Gravel, Thousand Oaks, California

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Mon rêve impossible

La souveraineté ou l'indépendance du Québec est mon plus cher rêve. Je dis rêve parce que, de mon vivant, cela demeurera un rêve. Les Québécois ne sont pas assez matures et conscients pour se donner un pays. Le plus grand ennemi que tout être humain à vaincre pour s'épanouir est la peur. Et ceci, dès sa naissance. D'ailleurs, les cathos l'ont vite compris et font appel à cette peur, le péché originel. Et la peur n'est souvent qu'une absence de connaissance. Et présentement, le niveau de scolarité général des Québécois est trop bas pour avoir les connaissances pour vaincre ses peurs. J'ai appris lors de mon travail et de mes voyages dans des pays émergents que les ensembles formés humains (nations, cultures, pays, etc.) se développaient sur le même modèle que l'humain pris individuellement. Et présentement, les Québécois sont des adolescents attardés, des espèces de Tanguy. Pour exemple, dans une famille normale, vient un temps où un ado désire vivre sa propre vie : se dégager de l'autorité parentale, vivre selon ses propres règles. Mais souvent les parents lui tiendront un discours dans le genre : le monde extérieur est difficile, dangereux : sans expérience, il ne pourra subvenir ses besoins, il devra travailler fort, se priver et faire des sacrifices. Mais pour obtenir son indépendance, l'ado devra quitter la famille protectrice et pourvoyeuse pour acquérir son autonomie et devenir un adulte part entière. Au début de la rupture, il y aura une césure, mais après quelques années indépendance, le jeune adulte et les parents développeront une relation plus égalitaire, plus harmonieuse dénuée de dictats. Pour une jeune nation, le même phénomène se reproduit souvent. Le Canada, cette grande famille dysfonctionnelle a le même comportement vis--vis le Québec, ce mouton noir de la famille. Si vous quittez, vous aller vers la catastrophe économique, vers l'échec, etc. C'est la politique de la carotte et du béton. Belles promesses quand la nation est sur le bord de la porte de sortie et une fois revenu, c'est le ressentiment et la punition d'avoir mis la famille en péril. Mon sentiment est que si un jour, les Québécois se tiennent debout et votent majoritairement pour devenir une vraie nation libre, libre de ses choix, libre de trouver par elle-même ses modes de développement, quitte faire quelques erreurs de jeunesse, le ROC (reste du Canada) va nous respecter. On respecte difficilement des gens toujours genoux quémander. Quand nous nous tiendrons debout devant le ROC, ceux-ci nous respecterons et le premier geste qu'ils poseront après un OUI majoritaire, sera de se débarrasser des Québécois de services Ottawa et nous inviter s'asseoir une table pour négocier d'égal à égal une nouvelle constitution. Les Québécois auront alors choisir entre une nouvelle constitution qui les intégrera dans un Canada vraiment fédératif ou devenir une république part entière.

Jean Benoit, Québec

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L'évolution tranquille

Le pays s'est construit de mille et une manières depuis la Révolution tranquille ... 1980 avec 40 % d'appuis et 1995 avec 50 % moins des poussières et de grosses délinquances de la part des partisans du non. Depuis, c'est l'évolution tranquille dans un océan de conservatisme à la Duplessis et d'avancées discrètes, mais certaines quant à notre identité et notre présence comme québécois sur la scène mondiale. Il faut se rappeler que nous ne sommes pas signataires à ce jour d'une constitution imposée par la force et que nous somme reconnus comme une nation à part entière par le « Rest of Canada ». Or, il y en a peut-être beaucoup qui pensent que la question de la souveraineté est dépassée tout simplement parce que nous sommes foncièrement souverains, mais encore trop colonisés pour affirmer avec fierté et détermination (pour ne pas dire autodétermination) notre identité toute singulière en donnant ainsi à la planète entière un nouveau pays qui ne peut être qu'un plus.

Marc-Gilles Bouchard, Montréal

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Encore possible

J'avais neuf ans quand les gens ont dit à René Lévesque "à la prochaine fois"...je me souviens aussi que mes parents ont été attristés du résultat final. Je voudrais comprendre pourquoi tant de gens n'y croient pas, pourquoi les gens ont peur. Avec Harper à la tête du pays, et Charest qui nous ment et cache un tas de choses, qu'aurions-nous à perdre au fond? Peut-être que nos premières années seraient difficiles, mais ça ne pourra jamais être pire que ce que nous vivons maintenant. Je suis peut-être naïve, mais je voudrais dire à mes enfants "Nous allons enfin vivre dans le pays qu'on s'est donné". Oui, j'y crois encore...

Julie Coutu

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La preuve que le débat est dépassé

C'est que seuls ceux qui s'y intéressent encore ont pris la peine d'écrire à La Presse. La majorité des Québécois s'en fichent totalement, et ils ont bien raison.

Pierre-Yves Pau, Toronto

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Loin d'être dépassée!

C'est le temps ou jamais. Il faut renverser le gouvernement libéral corrompu le plus vite possible. Pour ce faire, on devra tout expliquer au peuple québécois, être très clair. Démontrer qu'être un pays souverain n'est pas, mais pas du tout, la fin du Québec, au contraire.

Thomas Harrison

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Deux solitudes

Non, l'indépendance n'est pas dépassée. Avec l'Europe qui est en train de se disloquer petit à petit, les gens se rendent compte que «Small is beautifull». Qu'un petit gouvernement, proche des gens, qui intervient peu, est mieux qu'un gros gouvernement central, interventionniste, comme le gouvernement fédéral, américain ou Européen. Évidemment, certains voudront toujours vivre aux crochets de leurs voisins. On exploite ainsi les peurs et le confort de la «dépendance à l'autre». Mais, dans les coeurs des gens, le Canada n'est plus uni. Regardez quand un soldat Albertain tombe au combat, le peu d'émoi dans la population québécoise. Ou l'absence relative de réactions à la médaille d'Alexandre Bilodeau de la part de nos bons rednecks. Où James Moore et le Canadien. Il existe deux Canada et ils sont déjà séparés, dans les coeurs des gens. Qu'on appelle ça deux solitudes, l'Ouest contre l'Est, le Québec contre le ROC, la séparation est déjà faite. Suffit de franchir le pas. Le projet de Lévesque, oui, est dépassé, soit: «Le gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d'en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l'égalité des peuples; cette entente permettrait au Québec d'acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d'établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l'utilisation de la même monnaie; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l'accord de la population lors d'un autre référendum; en conséquence, accordez-vous au gouvernement du Québec le mandat de négocier l'entente proposée entre le Québec et le Canada?» C'était ridicule comme question, admettez-le. Mais l'indépendance est bien vivante. Notre indépendance, l'indépendance des gens, l'indépendance de nos communautés et de notre pays. Vive la liberté, vive l'indépendance.

Frédéric Picard

Lassitude

Une seule phrase peut symboliser notre lassitude: pourquoi faire simple quand nous pouvons faire compliqué? Je pense qu'avec le gouvernement conservateur actuel, cela devrait nous réveiller. Nous faire comprendre qu'encore une fois, on nous demande d'être à genoux, et le pire, les gens en redemandent! La souveraineté du Québec c'est la seule garantie de long terme à la langue française, à l'environnement, aux droits des femmes, des Premières Nations, des communautés gaies, lesbiennes, bisexuel(le)s et transgenres, à une intégration réussie des Néo-Québécoises et Néo-Québécois. Nous n'avons pas assez confiance en notre potentiel encore. Quand nous, Québécoises et Québécoises, allons réaliser l'immensité que nous possédons, là, cela sera la bonne.

Mathieu Laroche-Casavant, Québec

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Tactique désolante

Malheureusement, trop de souverainistes sont perméables à la propagande fédéraliste. Le seul fait de demander si la souveraineté est dépassée plutôt que toujours d'actualité en dit long. Le but est de faire baisser l'énergie des indépendantistes, de leur montrer que leur but est inaccessible. Et je suis désolée que cette tactique, dont le but est de susciter la lassitude, fonctionne. Il y a quelques années, alors que l'idée que «l'indépendance n'attire plus les jeunes» battait son plein, attisée par les libéraux autant au fédéral qu'au national, il y a eu un exercice de référendum dans deux CEGEP: Saint-Hyacinthe et Sainte-Thérèse. Les résultats étaient extraordinaires: 71 et 72% pour le OUI... Bien sûr, ça n'a pas fait les manchettes. L'idée que les jeunes ne soutenaient plus l'indépendance était créée de toutes pièces, tout simplement, et destinée à convaincre tout le monde, jeunes compris. Et le pire, c'est qu'à force de répéter des mensonges, les fédéralistes parviennent à en faire, en partie, une réalité. J'ai moi-même mordu à l'hameçon par moment. J'ai été découragée. Certains de nos artistes et nos meilleurs porte-parole ont aussi embarqué dans cet engrenage. Je refuse de faire le jeu de ceux qui préfèrent le statu quo à l'indépendance. Je refuse de faire le jeu de gens comme Lysiane Gagnon, qui écrit que seulement 19% pensent qu'il y en a plus, et que 22% pensent qu'il y a «autant de raisons» de faire l'indépendance. Seulement? 42%, c'est énorme. Je pense aussi que les journalistes sont en grande partie responsables du désenchantement des citoyens face à la politique en général. Le langage utilisé dégrade au départ la chose politique: Untel a tenté de séduire l'électorat, l'opposition profite des déboires d'Untel... Aussi, en temps d'élection et de référendum, ils aiment mieux parler des tactiques et du charisme des gens plutôt que du fond des choses et des programmes... C'est désolant. Et vive le Québec Libre.

Manon Berthelet

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Un processus normal

Qu'une nation dont la langue et la culture sont distinctes de celles de ses voisins cherche à acquérir l'indépendance n'est pas dépassé, c'est normal. Tant que le Québec demeurera une société distincte, la question se posera. Sur le plan culturel, c'est presque évident que le Québec indépendant serait mieux que le Québec province et vassal. Les seuls qui y perdraient sont les francophones hors-Québec. C'est malheureux, mais ce n'est pas au Québec d'assurer leur avenir et leur développement, c'est au Canada. Si le Québec se sépare et qu'ils perdent leurs droits linguistiques, ils devront regarder du côté d'Ottawa et non de Québec. Sur le plan économique, toutes les bêtises se disent des deux côtés de la barrière constitutionnelle. Non, le Québec ne deviendra pas plus riche en rapatriant ses impôts d'Ottawa, on perdra quelques milliards de péréquation par année et ce n'est pas rien. En revanche, il y aura des compensations et elles seront peut-être plus importantes que la perte de la péréquation. Le Québec sera responsable de ses politiques économiques et pourra innover sans attendre la permission d'Ottawa. Combien de bonnes idées pour Montréal ont été diluées dans le grand tout canadien par le passé? Les grandes compagnies qui oeuvrent au Québec mais qui ont leurs sièges sociaux à Toronto, parce que le Québec est partie du Canada, devront rapatrier une partie de leurs activités vers Montréal pour être présentes dans le nouveau pays? Montréal profitera davantage d'être la métropole principale d'un pays que d'être le numéro deux d'un pays plus grand. Tout comme Québec profitera davantage d'être la capitale d'un pays que celle d'une province. Il sera aussi plus facile dans un Québec souverain d'avoir une vision d'avenir concernant l'environnement et les changements climatiques, que dans un Québec province. Oui, les sempiternelles discussions constitutionnelles sont lassantes et il y a dans la population une volonté de ne plus en parler. Cela ne signifie pas que le sujet soit dépassé. Les raisons pour lesquelles le Québec désire modifier son statut constitutionnel sont toujours là et ne disparaîtront pas parce qu'on décide de ne plus en parler. Ce serait jouer à l'autruche et se mettre la tête dans le sable. Quand les autruches, tannées de continuellement se méfier des lions décideront de se mettre la tête dans le sable pour ignorer ces prédateurs, non seulement elles continueront à se faire bouffer, en plus elles perdront toute défense. C'est ce que les lions souhaitent. Tout comme les fédéralistes souhaitent qu'on cesse de parler des problèmes constitutionnels du Québec. Il serait sage pour les Québécois de ne jamais leur faire ce plaisir. Commencer en mouton, faire une révolution pour essayer d'évoluer un peu et se retrouver en autruche, ce serait lamentable.

Paul Deguire