Il faut saluer la volonté du gouvernement de favoriser le développement de l’est de Montréal en implantant un nouveau transport structurant. Ne perdons pas de vue que les importants investissements faciliteront l’accès au centre-ville et, surtout, serviront de colonne vertébrale de la transformation des secteurs desservis pour en faire de véritables quartiers de proximité où l’on peut résider, travailler, s’approvisionner à quelques pas de chez soi.

En plus d’un projet économique, le transport structurant est un outil fondamental de lutte contre les émissions de GES. Il doit permettre de créer des espaces de vie inclusifs et multi-usages qui réduisent les déplacements et offrent une solution de rechange attrayante à l’auto lorsqu’on doit aller d’un quartier à l’autre.

L’acceptabilité sociale du projet ne se limite pas à la structure elle-même du mode de transport, mais surtout à sa capacité de transformer la trame urbaine dans le sens d’un projet de densification attractif. En ce sens, la troisième version du projet devra s’appuyer sur la proposition de développement de l’est de Montréal pour les prochaines générations.

D’abord, parce que le choix du mode de transport et son tracé doivent correspondre aux besoins de l’avenir, il faut donc avoir une idée de ce qui est souhaité pour l’Est. Aussi, parce qu’accepter un REM, c’est accepter une vision de développement. Il faudra éviter de répéter la situation vécue à Pointe-Claire où, malgré un indice de densité bien inférieur aux objectifs inscrits au Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), la Ville semble vouloir contredire l’objectif de densification accompagnant le REM et limiter le développement résidentiel.

Il faut reconnaître que la deuxième version du REM 2.0 est grandement améliorée. Les formes amincies et arrondies des structures aériennes, la préoccupation pour l’intégration urbaine des stations et un premier effort sous-terrain dans une portion du tracé au centre-ville témoignent d’une réelle écoute.

Comme l’indique le comité d’experts du gouvernement du Québec, le REM doit favoriser une trame urbaine accueillante et, à ce titre, il reste du travail à faire. Au-delà de l’intégration des stations dans le paysage urbain, c’est le corridor lui-même qui doit être analysé en fonction du développement de quartiers attractifs.

Cela dit, malgré tous les efforts, le choix d’une structure aérienne en milieu urbain entraînera toujours une empreinte paysagère importante.

Considérant sa marge de manœuvre financière et le poids du budget dévolu aux routes, le gouvernement a voulu exclure ce projet de son périmètre comptable. Cette décision explique qu’il ne procède pas par appel de projets et qu’il se tourne vers CPDQ Infra qui n’a qu’un seul produit à offrir : un REM. En procédant ainsi, le choix du mode de transport précède l’analyse des besoins futurs et limite les options de tracé en raison des contraintes du train léger.

Même si le processus est inversé, rien n’empêche l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), dont c’est la responsabilité, de nous renseigner sur les besoins de mobilité en fonction du développement urbain anticipé. Sur la base de cette prévision, l’agence pourra donner un avis sur le mode de transport et le tracé optimal. Compte tenu de l’inversion de démarches qu’entraîne le choix du gouvernement, l’analyse indépendante de l’ARTM est de la première importance pour crédibiliser le choix retenu à la fin de l’exercice de consultation. En procédant à cet exercice, l’ARTM recommandera les options assurant la meilleure intégration du nouveau service au réseau actuel du métro. Cela nous permettra de vérifier notamment s’il existe une solution de rechange au passage surélevé dans le boulevard René-Lévesque.

L’autre acteur incontournable, c’est la Ville de Montréal. En effet, pour que l’ARTM puisse considérer les besoins futurs, Montréal doit déposer une vision de développement. Il ne peut y avoir de REM sans cette proposition de Montréal. Au-delà des esquisses illustrant le REM lui-même, ce qu’il faut établir et imager, c’est le développement urbain attendu de la réalisation de ce projet. La Ville doit faire connaître sa vision de densification et évaluer, même sommairement, les nouveaux services publics, les actions de requalification foncière et l’aménagement urbain de type parc, pistes cyclables et piétonnes qui y seront nécessaires.

À ce titre, notons que la proposition de transport actif sous le REM ne doit pas faire oublier l’essentiel : pour bâtir un quartier de proximité, il faut implanter les voies cyclables et piétonnes non pas pour passer d’une station à l’autre, mais pour relier le domicile et le travail à la station. Dans le contexte où Montréal n’a déjà pas les ressources financières pour aménager les corridors de transports actifs vers la station, il serait contreproductif de lui imposer de payer pour celui qui relie les stations. Le financement par Québec de l’aménagement urbain et de la requalification foncière constitue une condition essentielle à la réalisation du projet et ses engagements à cette fin devraient faire partie de la troisième version du projet.

Nous souhaitons que la prochaine version du REM puisse inclure les réponses à ces questions et à ces considérations. Si d’aventure l’option du REM n’était pas retenue, les travaux de l’ARTM et de la Ville de Montréal serviront néanmoins de base pour que Québec lance un appel à projets pour un autre mode de transport. La volonté de Québec de développer l’est de Montréal pourra toujours se réaliser, cette fois en l’incluant au périmètre comptable.

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