Le 12 août dernier, des manifestants s’opposant à la future instauration d’un passeport sanitaire s’étaient regroupés devant un restaurant de Québec où la mesure était mise à l’essai. En plus scander des slogans violents et mensongers, certains agitateurs portaient une étoile jaune en référence à celle imposée aux Juifs d’Allemagne à partir de 1941 par le régime nazi.

Ce n’est pas la première fois que le mouvement conspirationniste compare les gouvernements Legault et Trudeau à celui de Hitler, Goering et Heydrich, mais cette fois, il repousse les limites de l’ignominie en se comparant aux victimes du plus grand crime de masse de l’histoire de l’humanité.

Rappelons que de 1941 à 1945, plus de 6 millions de personnes sont dépossédées, déportées, torturées, battues, affamées, violées et exterminées pour la seule et unique raison qu’elles sont juives. Mais il ne s’agit là que de l’aboutissement d’un antisémitisme et d’un antijudaïsme pluriséculaire ; pendant l’Antiquité et le Moyen Âge, par exemple, les populations juives subissent systématiquement des expulsions de masse, des pogromes, des déportations, des exterminations, des conversions forcées, des mises à l’écart de la vie civile et bien d’autres choses encore. L’étoile jaune s’inspire d’ailleurs directement de la rouelle, une étoffe de tissu circulaire imposée aux populations juives d’Europe à partir du XIIIe siècle, elle-même probablement inspirée de pratiques plus anciennes.

Atteignant le fond d’un très sombre baril rhétorique, ces manifestants comparent donc sans ironie leur situation à ces horreurs. Ils identifient la nécessité de présenter un code QR pour manger une poutine à la chambre à gaz.

Ils identifient l’extermination systématique et quasi-industrielle de 6 millions de personnes à l’impossibilité, pour des personnes refusant un traitement sécuritaire et efficace, d’entrer au gym. Ils mettent sur un pied d’égalité le fait de devoir regarder un film à la maison plutôt qu’au cinéma et la vivisection forcée ainsi que le viol d’êtres humains jugés biologiquement inférieurs. Je n’ai pas les compétences pour juger du bien-fondé du passeport sanitaire et il m’apparaît tout à fait possible de s’y opposer rationnellement. Je peux cependant affirmer qu’une telle appropriation symbolique est honteuse, abjecte, violente, l’expression d’une inculture ahurissante, et qu'elle devrait être considérée comme un geste haineux.

Ce discours s’avère d’autant plus consternant si l’on considère que de nombreux leaders conspirationnistes proviennent d’organisations d’extrême droite ouvertement antisémites, islamophobes, xénophobes, homophobes, transphobes et obsédés par un prétendu complot contre « l’homme blanc ». Non contents de banaliser les horreurs commises par l’Allemagne nazie et ses alliés en faisant de la Shoah un simple conflit social, ils s’identifient aux victimes d’une idéologie avec laquelle ils entretiennent une relation fort ambigüe.

Je ne peux pas convaincre ces manifestants de se faire vacciner, d’appuyer les mesures sanitaires ou de prendre le parti de la science. Mais j’en appelle au fond d’humanité et de décence qui, du moins, je l’espère, réside en eux en les suppliant de cesser de jouer le jeu d’individus ou de groupes qui cherchent à normaliser la haine et la xénophobie ainsi qu’à nier la gravité de la tragédie que constitue la Shoah.

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