En devenant, en avril 2019, le 33e président du conseil du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), l’actuel président du conseil voyait enfin la possibilité de réaliser sa vision de la gouvernance du Musée.

Il avait maintes fois reproché à son prédécesseur son absence dans les détails du fonctionnement quotidien du Musée qui aura désormais, pour reprendre son expression, « une direction bicéphale » : la directrice générale et lui-même.

Exemple de microgestion : alors qu’il n’était que vice-président du conseil, il demande au directeur des finances et des ressources humaines, en mai 2018, de le mettre en copie dans tous les courriels touchant ces activités.

Se disant « très impliqué quotidiennement avec les équipes du Musée », il écrit en juin 2018 : « J’ai beaucoup de disponibilité pour faire plus et pour m’impliquer davantage. En tant que donateur important, je crois qu’il est nécessaire que je sois plus proche des aspects administratifs et financiers. J’ai par ailleurs une vaste expérience en tant qu’entrepreneur et gestionnaire qui peut contribuer au bon fonctionnement du Musée. »

Le plus grand malheur de la gouvernance vient quand des membres du conseil tiennent absolument à « donner un coup de main aux cadres ». Leur rôle n’est pas de gérer, mais bien de soutenir une vision de l’avenir.

Ils doivent voir comment celle-ci est mise en place par la direction que le conseil doit superviser et évaluer, mais sans jamais faire le travail à sa place.

L’article 75 des règlements du Musée est clair : « Le président du conseil exerce le contrôle général et assume la surveillance des affaires de la Corporation. » On ne touche pas aux opérations…

En février arrive le rapport des experts commandé par le président. Le président garde la seule copie du rapport, pratique très inhabituelle en gouvernance où le conseil doit avoir accès à toute l’information. Comment un conseil pourra-t-il congédier un cadre sans avoir lu la principale pièce à conviction ni avoir entendu le point de vue de la direction ?

Jamais le conseil ou un comité du conseil ne demande à entendre le point de vue de la direction générale : toute l’information pour la prise de décisions viendra du président du conseil.

La principale recommandation du Cabinet RH est la création d’un poste de direction de la conservation – avec laquelle la direction est d’accord – mais dès le 8 mars, le président du conseil informe par écrit la directrice générale que la titulaire qu’il a choisie s’appelle Mary-Dailey Desmarais et que le conseil est favorable à cette candidature. Du même coup, il crée un comité de ressources humaines pour gérer un processus de sélection en 19 étapes…

En réalité, le président du conseil gérera tout le processus. La candidate ayant, et de loin, le plus d’expérience n’est pas retenue, car ses références sont « mauvaises, toutes mauvaises ». Vérification faite par la candidate, huit des neuf personnes proposées n’ont pas été jointes et la neuvième s’est dite très favorable.

Entre le conseil et la direction générale, il n’y aura aucun conflit : toutes les recommandations du rapport sont acceptées par l’équipe de direction qui reconnaît les difficultés rencontrées dans l’unité production des expositions et veut corriger la situation. Le seul point en discussion est la nomination de Mme Desmarais.

Un compromis est avancé par l’équipe de la direction générale : la candidate d’expérience serait choisie et Mme Desmarais deviendrait conservatrice en chef adjointe. Mme Desmarais accepte volontiers.

Sa candidate sera choisie par le comité de ressources humaines, d’où la direction générale est soudainement exclue et où ne siège aucun cadre du musée ni expert en muséologie.

Le 27 juin dernier, un ancien président du conseil propose une solution très raisonnable et bien équilibrée. Le contrat de la directrice générale devant se terminer en juin 2021, il explique qu’il y a consensus au conseil pour saluer les résultats de la directrice générale. On retiendra ses services jusqu’en 2024, notamment pour la construction de la terrasse Riopelle.

Huit jours plus tard, elle est brutalement congédiée.

Pourquoi ? Le président du conseil est choqué par le refus de la directrice générale de mentionner dans sa lettre aux employés une petite phrase formulée ainsi : « Le processus de recrutement a été très rigoureux. » La directrice le « picosse ».

Il propose alors des amendements au contrat de la directrice générale, qui est écartée de toutes les décisions de fonctionnement. Cette tutelle lui permet de réaliser son rêve : en utilisant son statut de président du conseil, il devient le véritable directeur général du Musée.

Deux défis pour le conseil d’administration

– Le conseil ne peut maintenir en poste un président du conseil qui est un farouche partisan de la direction bicéphale et de la microgestion. Est-il pertinent que le président, membre du conseil depuis neuf ans, sollicite un quatrième mandat lors de l’assemblée générale virtuelle du 29 septembre prochain ?

– Le conseil doit trouver une entente raisonnable pour, comme le proposait le 27 juin l’ancien président du conseil, conserver l’expertise et l’important capital de sympathie de la directrice générale sortante. Si un retour à la fonction de directrice générale paraît désormais difficile, la gestion de certains projets serait un heureux compromis.

* Michel Nadeau a été directeur général de l’Institut sur la gouvernance (2005-2020) et expert en finance et gouvernance. Ce texte n’engage que son auteur.

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