En août dernier, la ministre Christine St-Pierre a lancé une tournée de consultation du Québec afin de déterminer les consensus qui se dégageaient autour de certaines recommandations du rapport Payette sur l'avenir de l'information au Québec.

Dans la foulée des réactions qui ont suivi la prise de position du Conseil de presse du Québec (CPQ), lundi dernier, en réponse aux enjeux soulevés par cette consultation, il m'a semblé nécessaire de clarifier certaines choses.

Depuis sa fondation, en 1973, le Conseil de presse a toujours été un organisme d'autorégulation à adhésion volontaire - autrement dit, aucune entreprise de presse n'a jamais été forcée d'y adhérer. Si durant de nombreuses années, ce système a bien fonctionné, force est de constater aujourd'hui que l'absence d'un joueur majeur - Quebecor Media - nous force à le remettre en question. On ne peut tolérer que près de 40% de l'information produite au Québec échappe aux mécanismes d'imputabilité auxquels se soumettent les autres médias québécois.

Les risques liés à l'absence de toute forme de régulation déontologique des médias sont trop grands, et l'enjeu, trop important, pour que l'on demeure les bras croisés à espérer passivement un retournement de situation.

L'idéal serait bien sûr que Quebecor décide de réintégrer le CPQ. Une fois de plus, j'invite M. Pierre Karl Péladeau à me rencontrer afin que l'on puisse discuter ouvertement des façons de bonifier le fonctionnement du Conseil, car les raisons invoquées lors du retrait des médias de Quebecor, en juin 2010, qu'il rappelait cette semaine dans une entrevue, ne sont pas convaincantes.

Que reproche-t-il au Conseil de presse? Deux choses: de rendre des décisions qu'il qualifie d'arbitraires et d'avoir résisté aux changements proposés par les représentants de Quebecor, du temps où ceux-ci participaient aux activités du CPQ.

Or, les résultats préliminaires d'une étude approfondie de notre jurisprudence, que nous avons récemment entreprise, démontrent plutôt la cohérence générale de nos décisions. Si on peut effectivement trouver ci et là, dans les décisions du comité des plaintes du CPQ, quelques raisonnements contestables, on doit reconnaître en revanche que la même chose est vraie des décisions rendues par n'importe quel tribunal. Leur légitimité n'en est pas pour autant amoindrie.

Quant à la prétendue résistance du CPQ aux suggestions visant à réformer ou à «faire évoluer» ses procédures, pour reprendre les mots de M. Péladeau, il saurait, s'il n'avait pas quitté le Conseil, que nous en avons modifié récemment plusieurs aspects, et que d'autres changements sont déjà prévus.

À ce jour, M. Péladeau a systématiquement refusé de reconsidérer sa décision. C'est cette impasse qui a poussé le Conseil à demander à la ministre St-Pierre de considérer sérieusement la possibilité d'adopter une loi qui obligerait tous les médias d'information à participer au seul tribunal d'honneur de la presse québécoise, le CPQ.

Soyons clairs: jamais n'a-t-il été question d'inviter l'État québécois à s'immiscer dans la régulation des médias. Nous croyons toujours, au Conseil, que la régulation du milieu journalistique doit être autonome - autrement dit, que l'on doive poursuivre sur la voie de l'autorégulation. Mais l'efficacité de celle-ci dépend nécessairement de la participation de tous les joueurs importants.

L'information est un bien public, et ceux qui la produisent doivent être redevables devant ceux à qui elle est destinée. Cet impératif nous place devant une alternative - de deux choses l'une: ou les joueurs acceptent volontairement de se réguler eux-mêmes, ou ils doivent être forcés de le faire.

Et si aujourd'hui nous en sommes rendus, comme plusieurs autres, à demander une intervention du législateur, ce n'est pas faute d'avoir essayé de faire fonctionner la première option. Celle que nous avons suggérée cette semaine n'a jamais été autre chose qu'un plan B.