Le Parti québécois joue à l'autruche en tentant de marginaliser la réflexion de Jean-François Lisée. Le contrôle de Pierre Karl Péladeau sur Québecor soulève une question importante d'apparence de conflit d'intérêts, même avec l'intermédiaire d'une fiducie sans droit de regard. Son cas est si singulier que les règles gouvernementales d'éthique ne semblent pas à la hauteur de la situation. Que faire ?

En lisant les documents officiels de Québecor, on comprend que l'actionnaire majoritaire exerce un contrôle sur les décisions. En effet, la note 23 des états financiers annuels 2013 précise que « les porteurs d'actions catégorie B ont le droit d'élire au conseil d'administration de Québecor un nombre de membres représentant 25 % du conseil. Les porteurs d'actions catégorie A ont le droit d'élire les autres membres du conseil d'administration. »

Le rapport de gestion stipule que « Pierre Karl Péladeau [...] détient la quasi-totalité des actions catégorie A de la Société [...] environ 73 % des droits de vote combinés de toutes les actions en circulation sont contrôlés par un actionnaire. » Le député de St-Jérome contrôle ainsi l'avenir de l'entreprise : « cette concentration du pouvoir de vote peut avoir pour effet de retarder, d'empêcher ou de dissuader une prise de contrôle de Québecor ». En somme, la structure du capital-actions protège l'actionnaire majoritaire contre une prise de contrôle hostile.

Pierre Karl Péladeau l'affirme lui-même : « Je n'ai pas l'intention de vendre les actions que je détiens dans Québecor qui m'ont été léguées par mon père, un grand bâtisseur du Québec pour lequel j'ai une estime et un respect considérables ». Comment une fiducie pourrait-elle être à l'aise de manoeuvrer dans une situation hypothétique d'offre d'achat, alors que le fiduciaire s'oppose publiquement à la vente de ses actions ?

Il semble naïf de croire qu'un chroniqueur pourrait avoir les coudées franches pour commenter les décisions d'un chef de parti sachant que du jour au lendemain, celui-ci pourrait redevenir son ultime patron. D'ailleurs, le jour de l'annonce du financement public de l'amphithéâtre de Québec, un journaliste de Québecor me disait « on ne crache pas sur la main qui nous nourrit. »

En 2012, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) a diminué sa participation dans Québecor Média Inc. (QMI) de 45,3 à 26.4 %. Depuis, PKP se retrouve à contrôler une société possédant 73,6 % de l'empire médiatique QMI, tel que le confirme la notice annuelle.

Admettons que Pierre Karl Péladeau acceptait de vendre ses actions. Qui les achèterait ? La question de protection des sociétés québécoises referait surface. Il serait malsain que la CDP ou Investissement Québec participe au rachat d'une entreprise d'un éventuel candidat au poste de premier ministre. Qui pourrait avoir les reins assez solides pour effectuer cette transaction ?

Bientôt chef du PQ ?

Il serait intéressant de voir PKP à la tête du PQ. Plusieurs Québécois sont très inspirés, avec raison, de voir un homme de sa trempe faire le saut en politique. Cette réalité pousse des députés du Parti québécois, comme Pascal Bérubé, à chercher une logique à ce dilemme sans issue.

Si j'étais Pierre Karl Péladeau, est-ce que j'accepterais de vendre l'entreprise familiale pour une aventure politique d'une durée inconnue ? Jamais. Par contre, d'un point de vue éthique, nonobstant les lois de l'Assemblée nationale, j'aurais un profond malaise. L'apparence d'influence plus que notable sur un empire médiatique, dont l'un des rôles est de jouer un contrepoids au pouvoir politique, laisse un angle mort ouvert aux critiques. Rappelons que la libérale Julie Boulet, afin de pouvoir accéder au conseil des ministres, en 2003, avait été forcée de vendre une participation minoritaire d'une PME fabriquant... des bottes de cowboys.

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