La première ministre Pauline Marois a évoqué lors d'une rencontre privée avec des gens d'affaires la possibilité de retarder l'atteinte du déficit zéro, prévue pour l'exercice 2013-2014, si la conjoncture économique l'exigeait. Il s'agit d'une démarche responsable, car il vaut mieux préparer le terrain maintenant que d'attendre d'avoir le nez collé sur la vitre.

Ce n'est pas un hasard si la rencontre avec cette quinzaine de gens d'affaires avait lieu une semaine avant l'assemblée générale du Conseil du patronat. Cela a permis à Mme Marois de souffler le chaud et le froid. Sachant très bien que ses propos ne resteraient pas confidentiels, elle a esquissé la possibilité d'un report dans le pire des cas. Lundi, elle a pu rassurer les membres du Conseil en réaffirmant que le gouvernement va équilibrer les finances, sans préciser de date.

Le premier choix du gouvernement péquiste, c'est d'aller au bout de cet exercice difficile et de tenter de récolter les fruits électoraux du retour à l'équilibre budgétaire. Mais ce qui était théorique en novembre est devenu très concret aujourd'hui. Et ça fait mal. Le prix politique des compressions, le gouvernement le paie actuellement.

À Saint-Alphonse-Rodriguez, où j'habite, le projet d'aqueduc a été amputé de 2 millions$ et le point de service du CLSC fermé. Rien pour encourager la population locale de voter du bon bord.

Même si ce n'est pas le premier choix, il faut être aveuglé par la religion du déficit zéro pour ne pas envisager la possibilité d'un report alors qu'il s'est perdu 54 000 emplois au Canada en mars, dont 16 000 au Québec. Dans sa mise à jour des finances publiques, le ministre Nicolas Marceau avait indiqué qu'à cause de la faiblesse des rentrées fiscales (un manque à gagner de plus d'un demi-milliard de dollars), il devait utiliser la moitié de ses réserves de 400 millions$.

Le FMI a révisé à la baisse ses prévisions de croissance économique pour le Canada et l'année 2012 s'est mal terminée avec un taux de croissance d'à peine 0,75% au deuxième semestre. Dans ce contexte, il est évident que les hausses d'impôts modérées pour les hauts revenus et les banques du dernier budget seront nettement insuffisantes pour arriver à l'équilibre avec une détérioration supplémentaire de la situation économique.

Le gouvernement peut-il envisager une deuxième vague de compressions?

Une nouvelle ronde de coupes n'est pas souhaitable ni au plan politique, social ou économique. Pour le FMI, bien qu'il faille assainir les finances publiques, le principal défi au Canada est de soutenir la croissance à court terme. C'est vrai pour Ottawa, qui a reporté d'un an son objectif de déficit zéro, mais c'est aussi vrai pour Québec. De nouvelles compressions affaibliraient encore plus l'anémique activité économique.

Au plan politique et social, une deuxième vague de compressions me semble aussi impossible pour le gouvernement de Mme Marois. Dans un tel contexte, sans revenus supplémentaires et sans nouvelles compressions, la seule possibilité est de retarder d'une année le retour à l'équilibre budgétaire. Il faut rappeler que l'objectif du déficit zéro n'est pas un projet de société; c'est un moyen de le concrétiser.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion