Depuis deux semaines, on entend beaucoup parler des différents groupes qui se manifestent pour ou contre l'exploitation du pétrole au Québec. Comme cela a été dit, le débat est mal parti. Si on cherchait par contre une fois de plus à polariser les positions, l'objectif est sans doute atteint. Mais le Québec a besoin de consensus plus que de nouvelles raisons de s'affronter dans le vide - puisque les réserves prouvées de pétrole au Québec sont encore, très exactement, de zéro baril.

Le consensus n'est pas hors d'atteinte, puisque personne n'est contre le pétrole. Le coeur de l'opposition peut en effet se résumer à trois sphères : contre la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES), alors qu'il serait essentiel pour l'humanité de les réduire pour éviter les pires dérèglements climatiques; contre l'exposition du territoire québécois à davantage de problèmes environnementaux (pollution de l'eau liée à la fracturation, déversements de pétrole); et, enfin, contre un détournement d'une éventuelle richesse collective au profit de différents groupes privés et/ou étrangers. Ce n'est pas l'or noir qui est directement en cause, mais ces trois préoccupations.

Pour bâtir sur ce premier élément de consensus, ce sont des réponses claires et crédibles à ces trois préoccupations que les groupes favorables à une possible production québécoise devraient faire jaillir - plutôt que de faire miroiter d'éventuels milliards. Or, ces réponses, elles se trouvent.

Le Québec s'est fermement engagé dans une réduction des émissions de GES, avec la création d'un ambitieux marché du carbone, qui va limiter les émissions québécoises sous un plafond décroissant d'environ 3,5% chaque année d'ici 2020. L'«extraction de pétrole et de gaz» fait explicitement partie des secteurs d'émission couverts par ce plafond.

Avec ce plafond, si on produit du pétrole québécois, cela n'affectera pas nos émissions globales, puisque d'autres émissions devront diminuer pour rester sous le maximum. Évidemment, pour que cet argument soit fort, il faut que la confiance dans le plafond québécois soit toute aussi robuste. Or il reste du travail à faire pour y arriver.

L'exposition du territoire québécois à des risques environnementaux supplémentaires, liés à la production de pétrole, est aussi un élément clé du débat. Pour bâtir le consensus, il faut distinguer très clairement les potentiels du golfe du Saint-Laurent de ceux sur terre ferme (île d'Anticosti, surtout, et Gaspésie, dans une moindre mesure).

Les défis environnementaux liés à ces deux contextes sont très différents : d'une production en mer, avec des risques de catastrophes telles que celle de BP dans le golfe du Mexique, on passe à un pétrole de schiste, avec toutes les préoccupations existantes sur la fracturation. Dans les deux cas, les risques doivent être rigoureusement évalués avant d'être jugés acceptables ou non.

Les technologies, les réglementations, les expériences des acteurs impliqués doivent être scrutées, et la capacité des gouvernements à gérer ces éléments fermement établie. Malheureusement, le Québec et le Canada ont un retard réglementaire à rattraper dans l'encadrement de la production d'hydrocarbures, notamment dans la gestion de l'eau et de la fracturation. C'est un autre chantier urgent auquel il faut s'atteler pour bâtir le consensus.

En troisième lieu, le gouvernement doit inspirer confiance dans la gestion de ce possible patrimoine collectif. Que ce soit à travers le régime fiscal ou une participation plus directe de l'État, l'absence de cadre et de vision ne contribue certainement pas à l'apaisement des préoccupations.

Reconstruire une confiance dans notre gouvernement est essentiel. C'est cette confiance qui a permis à la Norvège, et même au Danemark, de devenir des exportateurs de pétrole dans une relative paix sociale, sans pour autant les empêcher d'être exemplaires dans la lutte aux changements climatiques.

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