Entre le 26 novembre et le 5 décembre, une quarantaine d'organisations auront témoigné pour ou contre le projet d'inversion du pipeline 9B de la société Enbridge, lors des «consultations particulières» du gouvernement du Québec sur l'acceptabilité de ce projet. Les mêmes arguments déjà présentés aux audiences publiques de l'Office national de l'énergie seront réentendus: «oui à cause des bénéfices économiques» ou «non à cause des problèmes environnementaux».

Difficile de dialoguer dans ce contexte: si l'on croit que les risques sont gérables et négligeables en regard des gains économiques, on ne sera pas convaincu par les scénarios de catastrophe environnementale. Et vice-versa: aucun gain ne pourra justifier les risques, aux yeux des opposants.

Pour sortir de ce dialogue de sourds, il faut trouver le moyen de mieux poser le problème: nous avons une consommation de pétrole qui nous est utile, mais qui crée une dépendance et des problèmes environnementaux - dont certains majeurs, tels les changements climatiques. Faut-il dans ce contexte avoir une approche à la pièce ou une stratégie globale? Faut-il interdire à l'industrie d'opérer, ou développer de nouvelles habitudes de consommation?

Difficile de défendre l'idée que la prohibition est la meilleure approche à la sobriété. Pourtant, c'est la position implicite de beaucoup d'opposants aux projets pétroliers. Mais interdire à du pétrole de couler d'ouest en est ou d'être produit au Québec ne nous rapproche en rien d'une consommation moindre. 

En fait, tout comme la prohibition de l'alcool aux États-Unis a créé la fortune de ceux qui arrivaient néanmoins à en produire, les entraves locales à l'industrie pétrolière ne vont que servir les intérêts pétroliers étrangers. Au mieux, notre consommation aura marginalement décru parce que les produits pétroliers importés coûteront plus cher.

La meilleure stratégie pour «contrer» l'industrie du pétrole, c'est de changer nos habitudes de consommation: réduire les quantités achetées et brûlées. Si nous y parvenons, l'industrie se transformera d'elle-même, un peu comme l'industrie de l'huile de baleine a évolué quand de meilleurs combustibles sont apparus pour l'éclairage... le premier étant le pétrole! 

C'est dans le secteur du transport que la plus grande part du pétrole est consommée. Nous savons aussi que de meilleures approches en transport existent aujourd'hui. La stratégie la plus prometteuse est donc de faire émerger le plus rapidement possible des alternatives plus efficaces, notamment dans notre usage individuel de véhicules énergivores. Non seulement nous sortirons nous progressivement de nos dilemmes pétroliers et environnementaux, mais nous nous enrichirons: le transport collectif et dans des véhicules efficaces coûte moins cher!

Avec la panoplie de projets énergétiques qui sont sur la table (renversement du sens du pipeline 9B d'Enbridge, projet Énergie Est de TransCanada, production québécoise de pétrole et gaz), choisir la prohibition sera toujours tentant. Cela évite de se remettre en question, et on désigne un «coupable»: l'industrie. 

Mais cette approche alimentera les tensions sans nous aider à réduire notre consommation d'hydrocarbure et les émissions de GES. Cela voudrait simplement dire qu'on continuerait d'envoyer de l'argent ailleurs, et qu'on réfléchira moins à l'enjeu central: notre approche à la mobilité.

Les consultations particulières du gouvernement du Québec à propos du projet d'Enbridge peuvent réussir à être autre chose qu'une simple répétition, en plus petit, des audiences menées sur le même sujet au niveau fédéral. C'est en mettant un éclairage clair et sans complaisance sur l'enjeu fondamental de notre défi énergétique: la consommation. Pendant sa période de décroissance, pourquoi se priver des opportunités locales? D'autres, moins scrupuleux, les saisiront ailleurs.

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