Le ministre de l'Industrie, Christian Paradis, a annoncé que le gouvernement n'autorisait pas l'acquisition de Progress Energy Resources Corp. par Petronas, une multinationale publique de Malaisie. La raison: conformément avec la Loi sur l'investissement, la transaction ne présente pas «d'avantage net» pour le Canada. Cette décision est justifiée.

Le capital ne connaît pas les frontières. Il est normal que les milieux financiers et autres chambres de commerce déplorent la décision gouvernementale. Cependant, assurer les conditions de notre développement économique imposait une intervention.

Il y a lieu de s'interroger sur ce qui constitue un «avantage net». Que souhaite-t-on d'un investisseur étranger? Qu'il investisse, développe la production locale, crée des emplois et contribue, par l'apport de nouvelles technologies, à la compétitivité de l'entreprise. Les précisions, annoncées par le gouvernement, demeureront toujours trop floues au gré des investisseurs. Elles devront le rester de manière à ce que le gouvernement conserve la marge de manoeuvre indispensable à la conduite de sa politique économique.

De manière plus fondamentale, la proposition d'achat de Progress Energy par Petronas présente des caractéristiques qui mettent en cause notre modèle de développement. Dans un premier temps, il s'agit du secteur de l'énergie, et en second lieu, l'offre provient d'un monopole public. Qu'est-ce que souhaite acquérir Petronas? Les réserves en hydrocarbures détenues par Progress, son savoir-faire technologique et ses parts de marché, le tout pour 6 milliards qui iront dans les poches des actionnaires, sans autre bénéfice pour l'économie canadienne.

Nous avons choisi de confier au secteur privé, encadré par les règles fiscales et autres règlements, la responsabilité d'exploiter les ressources énergétiques du pays. La production d'hydrocarbures approvisionne le marché canadien et est exportée essentiellement à destination du marché américain. C'est dire que les investissements, et donc le rythme d'exploitation de la ressource, sont déterminés par la demande du marché nord-américain. Ce lien commercial privilégié est la source de la prospérité du secteur énergétique.

L'exportation à grande échelle d'hydrocarbures vers l'Asie, quand elle sera économiquement possible, ne saurait se faire au détriment de l'approvisionnement des marchés canadiens et américains. Pour gérer l'exploitation des réserves et prévenir le risque de dilapidation, il convient de conserver la propriété de la ressource; tous les grands pays producteurs l'ont compris.

L'offre d'achat de 15,1 milliards annoncée par la société d'État chinoise CNOOC pour Nexen Inc., une multinationale de Calgary dans le secteur de l'énergie, soulève le même problème. Ottawa devrait, en toute cohérence, s'y opposer.

Les entreprises publiques dans les pays émergents, dont la Malaisie et la Chine, sont avant tout des instruments au service des stratégies nationales de développement. Ces entreprises servent d'instruments pour acquérir sur les marchés internationaux des actifs détenus par d'autres pays. Ce n'est pas un enjeu de sécurité, c'est une question de concurrence. Les entreprises d'État ne fonctionnent pas selon les règles qui régissent les entreprises privées.

L'économie chinoise est planifiée, les choix d'investissements font donc peu de cas des notions de profit et de risque; les prix sont administrés en fonction des objectifs fixés pour la production. Cela signifie que la gestion des actifs étrangers doit obéir aux impératifs de la politique chinoise de croissance. Cette priorité subordonnera dans tous les cas les décisions (production, transformation, exportations) normalement effectuées sur une base commerciale par le secteur privé.

Les marchés savent que le Canada demeure très ouvert aux investissements étrangers et ne s'étonneront pas des limites que notre souveraineté économique bien comprise impose.

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