Force est de constater que les chances de la Couronne de faire condamner Jian Ghomeshi pour des agressions sexuelles sont plutôt faibles. La défense a en effet sérieusement miné la crédibilité des plaignantes en révélant des omissions et contradictions importantes dans leur récit.

Je comprends le désarroi exprimé par certains groupes de soutien aux victimes de violence sexuelle qui craignent que la médiatisation de cette affaire - et le verdict anticipé - ne décourage des femmes de porter plainte. Cependant, notre système de justice, un des piliers de notre démocratie, est fondé sur le modèle contradictoire dont l'objectif ultime est la recherche de la vérité. Nous tenons facilement pour acquise notre chance de ne pas être soumis à la dictature d'un régime totalitaire où on bafoue le droit à une défense pleine et entière en envoyant des innocents en prison.

Ce que ce procès a surtout mis de l'avant, ce sont toutes les nuances de gris qui colorent les relations humaines et amoureuses, particulièrement en ce qui a trait à la notion de consentement sexuel. Parmi les teintes les plus sombres, on peut assurément relever la toxicité des relations dans lesquelles des femmes sombrent par manque de confiance ou d'estime d'elles-mêmes. Parce qu'à l'issue de ce procès, un fait troublant émerge : Jian Ghomeshi a profité de sa notoriété et sa popularité pour butiner d'une femme à l'autre, trop heureux de ce harem pendu à ses lèvres qui en demandait encore.

Dans la foulée de cette affaire et de l'épidémie de fugues de jeunes filles hébergées en centres jeunesse, l'actualité nous offre l'occasion de nous questionner sur les raisons pour lesquelles des femmes, jeunes et moins jeunes, permettent que soit ainsi malmenée leur dignité. Lorsque je regarde ma blondinette de cinq ans, je souhaite ardemment ne jamais avoir à la chercher dans les motels miteux du boulevard Taschereau et, une fois devenue femme, la savoir coincée dans une relation amoureuse où elle est prête à se laisser humilier dans l'espoir d'être aimée en retour.

S'il n'existe pas de recette miracle pouvant empêcher les adolescentes de tomber entre les griffes des proxénètes et les femmes dans les bras des Ghomeshi de ce monde, l'éducation et l'encadrement que nous pouvons offrir à nos filles sont certainement des ingrédients de premier choix. La construction du respect et de l'estime de soi n'est pas l'histoire d'un seul beau discours, mais bien un objectif à long terme qui doit prendre forme dès la petite enfance, à travers la reconnaissance de la valeur et des aptitudes de nos filles, sans verser dans l'éloge démesuré et la glorification.

Car la réalité, c'est qu'à force de les traiter en petites princesses, elles n'attendront rien de moins d'un conjoint et seront constamment en quête du regard admiratif qui a enveloppé leur enfance.

Il faut également rétablir le droit à l'erreur, permettre que les enfants soient confrontés à l'adversité afin de développer leur résilience. La bulle de verre que l'on construit autour d'eux pour les protéger de la critique, de l'échec et des difficultés est un ennemi redoutable. Lorsque la vie se chargera de fracasser cette bulle, le réveil sera brutal et certaines se réfugieront dans une relation où elles seront bercées par l'illusion d'être protégées alors qu'elles sont dominées et abusées.

Enfin, pourquoi ne pas également encourager nos enfants à rêver mieux ? Plutôt que les laisser espérer un partenaire riche et populaire qui les couvrira d'or, mais exigera l'innommable en retour, nous devrions les inciter à développer des relations basées sur le respect mutuel, la confiance et la complicité. Nous pouvons évidemment leur servir d'exemple à travers nos propres comportements en nous rappelant que la douleur, physique ou psychologique, est rarement un gage de sérénité et de bonheur.

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