Si le plancher des chefs s'est rapidement couvert d'une boue glissante et crasseuse au cours de cette pénible campagne électorale, le plancher des circonscriptions, dont la mienne, La Pinière, ne fut guère plus propre. Un vent de poussière grise a soufflé du côté sud du pont Champlain, une région jusqu'alors inscrite sous le signe de la stabilité du règne de Fatima Houda-Pepin, ininterrompu depuis 1994.

Mais était-ce vraiment le règne d'une députée ou n'était-ce pas plutôt le règne d'un parti ? La Pinière, cible de fréquentes railleries, s'est en effet souvent fait reprocher d'être disposée à élire un épouvantail à moineaux, pour autant qu'il porte les couleurs libérales.

La décision de Fatima Houda-Pepin de se présenter comme candidate indépendante suite à son expulsion du caucus libéral en janvier dernier, l'apparition du controversé transfuge de la CAQ Gaétan Barrette et le choix du PQ de ne présenter aucun candidat dans la circonscription sont devenus l'occasion de répondre à cette grande question existentielle.

Si cette inusitée lutte à deux n'a guère volé plus haut que le reste de la campagne, elle a littéralement atteint les bas fonds en fin de parcours, lorsque le maire de Brossard, Paul Leduc, a fait une fracassante, et savamment calculée, sortie de dernière minute en appui à Gaétan Barrette, provoquant l'ire de Fatima Houda-Pepin.

Lorsque deux politiciens en sont au point de régler leurs comptes en se reprochant mutuellement d'avoir refusé de se trouver en présence l'un de l'autre lors d'événements publics passés, ça commence à ressembler sérieusement à des enfantillages et ça s'appelle de la petite, très petite politique.

N'empêche. La Pinière doit beaucoup à l'acharnement et à la persévérance de Fatima Houda-Pepin, grâce auxquels des investissements et des subventions majeurs ont été obtenus au fil des années. Elle a fait de la politique avec son coeur et par conviction, mais campée sur ses positions, têtue par moments et critiquée pour son antagonisme, elle s'est montrée peu encline aux compromis et aux concessions. Plutôt solitaire, elle semble avoir oublié que la politique est un jeu d'équipe où, dans les instants critiques, la solidarité et le ralliement sont incontournables.

Quant à Gaétan Barrette, son nom a provoqué son lot de sourires en coin et de roulements d'yeux. Incarnant le vire-capot par excellence, celui-là même qui nourrit le cynisme de la population à l'égard de la politique, il s'est démené pour expliquer comment, en l'espace de 18 mois, il avait pu passer de détracteur à candidat du PLQ. Convaincus ou pas par sa profession de foi, les électeurs de La Pinière ont choisi, de façon non équivoque, de lui accorder leur confiance.

La Pinière a donc répondu à la grande question existentielle qui planait dans son ciel depuis près de 20 ans. Elle est d'abord la circonscription d'un parti avant d'être celle d'un (e) député (e). Cette réponse appelle assurément de modestes célébrations tout en offrant un défi de taille à Gaétan Barrette. Reste à voir, maintenant, si le député, et fort probablement le ministre, saura livrer la marchandise promise.

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