En cette ère où cracher des injures sur les sites de discussions et les réseaux sociaux en se cachant derrière des pseudonymes ridicules est devenu une activité banale, je me suis récemment demandé si nos politiciens ne devraient pas être soumis à un devoir de réflexion et de recul, voire de réserve, avant de lancer des déclarations-chocs susceptibles de soulever des tollés.

Est-ce que la démocratie et le droit fondamental à la liberté d'expression seraient pour autant mis en péril si l'exercice d'un jugement de base était exigé des élus, et pourquoi pas de tout citoyen, désireux de s'exprimer publiquement?

Cette réflexion est née de l'affaire Boisclair, mais elle est également nourrie par différents incidents où des déclarations publiques ont provoqué des réactions vives et indignées et des allégations d'atteinte à la réputation.

Certains me reprocheront ici de défendre les politiciens et de vouloir leur offrir une protection à laquelle ils ont volontairement renoncé en embrassant une carrière publique et politique. Pourtant, mon lien avec la politique se limite aux fonctions de ministre de la Santé, de l'Éducation, de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que j'occupe au sein de ma propre famille. Pour le reste, je ne suis qu'une fervente défenderesse du gros bon sens et de notre imputabilité à l'égard de nos actes et paroles.

Je constate simplement que les dates et la séquence des événements dans l'affaire Boisclair permettent de douter de l'existence d'un lien logique entre la consommation de cocaïne d'André Boisclair, l'infiltration de l'entreprise de Paul Sauvé par le crime organisé et l'octroi d'une subvention quelques jours avant les élections. 

Oui, la bonne foi, derrière laquelle Jacques Duchesneau s'est retranchée, se présume, mais une présomption peut être repoussée par une preuve contraire. D'ailleurs, lorsque pour sa propre défense, il a invoqué son «droit de poser des questions», Jacques Duchesneau s'est bien gardé de faire une nouvelle référence à la consommation de cocaïne d'André Boisclair, se bornant à qualifier ses questions de «légitimes».

L'affaire Boisclair est un grotesque exemple de basse politique, mais l'actualité foisonne d'histoires cousues d'hypothèses malveillantes déguisées en questions.

Plusieurs balaient du revers de la main les insinuations remplies de sous-entendus malicieux en plaidant que de toute façon, ces propos incendiaires seront vite oubliés et que les protagonistes pourront toujours s'affronter dans une bataille judiciaire, souvent aux frais des contribuables, précisons-le.

Or, la complexité du processus judiciaire et les délais qui lui sont inhérents sont un secret de polichinelle. Par le moment où un tribunal pourrait potentiellement conclure qu'André Boisclair a bel et bien été victime de manoeuvres politiques douteuses et que sa réputation en a été entachée, l'incident sera tombé dans l'oubli collectif même si certains dommages ne pourront jamais être réparés.

L'idée que j'avance n'est évidemment pas de museler qui que ce soit, d'empêcher les citoyens, politiciens ou pas, de s'exprimer, de questionner et de contester, mais plutôt de choisir nos mots et d'anticiper les conséquences possibles de nos propos. Bref, de réfléchir avant d'agir.

Il est probablement trop ambitieux d'exiger les sept tours que ma mère me conseillait de faire avec ma langue avant de parler. Mais je suggère qu'un instant de réflexion et de recul profiterait à tous. L'exercice d'un certain jugement serait tout autant salutaire, mais, comme disait aussi ma mère, le jugement, on ne le trouve pas dans les boîtes de Cracker Jack.

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