Selon le dicton, nos enfants ne nous appartiennent pas; ils ne nous sont que prêtés. Vrai. Mais comme parents, l'idée que le destin pourrait un jour nous ravir la chair de notre chair nous a tous momentanément effleuré l'esprit. Quel funeste anachronisme de voir un enfant précéder ses parents dans la mort, dans une douloureuse entorse au cycle de la vie.

Imaginez pourtant un instant que ce soit le cas et que vous receviez cette annonce tant redoutée de la mort de votre enfant. Le sol se dérobe sous vos pieds et une incommensurable douleur vous engourdit. Imaginez un deuxième instant qu'on vous annonce également que ce décès est la conséquence d'un acte criminel. Votre souffrance en est décuplée et s'y ajoute la rage, la révolte, l'incompréhension.

Parlons maintenant de ce que l'État fera pour vous. Si la mort résulte d'un accident causé par un chauffard ivre, la SAAQ vous versera plus de 52 000$. Mais si votre enfant est décédé à la suite de l'infanticide de l'autre parent, ou de tout autre crime, vous recevrez du régime d'indemnisation pour les victimes d'actes criminels (IVAC) 2000$ à titre de compensation, 3000$ pour couvrir les frais funéraires et le paiement de 10 séances de psychothérapie sans possibilité de prolongation.

Avec toute la force et la dignité qu'on lui connaît, Isabelle Gaston a dénoncé l'an dernier l'absurdité de ces montants accordés par l'IVAC en demandant que l'organisme reconnaisse les parents comme des victimes directes de l'acte criminel commis.

Le gouvernement a d'abord répondu qu'une réforme de l'IVAC était trop coûteuse et hors des moyens financiers du gouvernement. Un mois plus tard, Jean-Marc Fournier a toutefois fait volte-face en annonçant une bonification de 500 000$ du régime.

Cette promesse était tombée dans l'oubli jusqu'à ce que l'avocat Marc Bellemare reprenne le flambeau au nom de Patrick Desautels, le papa des trois enfants que leur mère, Sonia Blanchette, est accusée d'avoir tués en décembre dernier à Drummondville. Vendredi dernier, le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, a confirmé son intention de reprendre le projet de loi des libéraux tout en le bonifiant.

Il est évident que le gouvernement ne roule pas sur l'or et qu'il doit faire des choix quant à l'étendue de sa participation dans les divers programmes d'indemnisation, notamment en ce qui concerne la rétroactivité des amendements au programme. Il doit néanmoins se rappeler que pour la plupart, ces parents endeuillés sont des citoyens actifs et des payeurs d'impôts qui ont largement contribué à la société d'aujourd'hui et qui ont cru à celle de demain en faisant des enfants. Comme Patrick Desautels, cet entrepreneur et travailleur autonome qui se retrouve meurtri, démoli et marqué par l'image des trois petits corps sans vie qu'il a dû identifier. Mais c'est aussi un homme dans la force de l'âge qui, s'il se voit offrir le soutien financier et le support psychologique nécessaire pour l'aider à traverser son deuil et à se reconstruire, pourra à nouveau fournir un apport concret à la société, malgré l'horrible cicatrice laissée par la mort de ses enfants.

Devant les révélations de la commission Charbonneau sur les sommes astronomiques ayant engraissé la malhonnêteté d'individus sans scrupules et nourri l'aveuglement volontaire d'une succession de gouvernements à l'égard de la corruption, j'ai la certitude qu'une réforme de l'IVAC représente un investissement légitime et une obligation morale que le gouvernement a envers des citoyens dont la vie est bouleversée à jamais.

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